Le gouvernement Harper demandera à la Cour suprême du Canada de trancher sur le différend qui l'oppose à trois provinces au sujet du pouvoir d'Ottawa de réglementer les valeurs mobilières au pays, a appris La Presse.

Le Québec, l'Alberta et le Manitoba s'opposent farouchement à la décision du gouvernement Harper de créer une commission nationale des valeurs mobilières, affirmant qu'il s'agit d'un domaine qui relève exclusivement de la compétence des provinces.

Devant la détermination d'Ottawa d'aller de l'avant avec cette mesure, le gouvernement Charest a déjà lui aussi demandé au tribunal de statuer que l'encadrement des valeurs mobilières est un domaine de compétence des provinces. En juillet, le gouvernement Charest a en effet sollicité l'opinion de la Coup d'appel du Québec à cet égard.

Même s'il croit qu'il a le droit d'agir dans ce secteur, le gouvernement Harper a décidé lui aussi d'emprunter la voie juridique pour régler le différend. Le ministre de la Justice, Rob Nicholson, doit ainsi annoncer la semaine prochaine qu'il soumettra un renvoi au plus haut tribunal du pays.

«Nous avons toujours dit que les provinces étaient libres de participer ou non à la commission nationale des valeurs mobilières. Nous avons été surpris, mais nous avons aussi accueilli favorablement la décision du gouvernement du Québec de faire un renvoi à la Cour d'appel du Québec. Dans un esprit de fédéralisme d'ouverture, nous allons demander à la Cour suprême de trancher la question», a affirmé à La Presse une source digne de foi.

Les conservateurs affirment avoir l'appui des victimes de fraude des bandits à cravate dans leur démarche visant à créer une commission nationale. Le premier ministre Stephen Harper et son ministre de la Justice Rob Nicholson ont rencontré les victimes des fraudeurs Earl Jones et Vincent Lacroix au cours des derniers mois.

Ce n'est pas la première fois qu'Ottawa demande au plus haut tribunal du pays de trancher un dossier litigieux en lui soumettant une série de questions dans un renvoi. Le gouvernement Martin l'avait fait dans le dossier des mariages entre deux personnes du même sexe en 2004. En 1996, le gouvernement libéral de Jean Chrétien avait aussi demandé à la Cour suprême du Canada de préciser les règles qui s'appliqueraient dans l'éventualité d'une victoire du Oui dans un référendum sur la souveraineté au Québec.

Les libéraux de Michael Ignatieff, qui ont historiquement toujours été favorables à la création d'une commission nationale des valeurs mobilières, avaient été les premiers à suggérer que le gouvernement fédéral sollicite l'opinion de la Cour suprême dans cet épineux dossier en juin.

Durant un débat à la Chambre des communes, le critique libéral en matière de finances, John McCallum, avait affirmé qu'un nouveau gouvernement libéral demanderait au tribunal de statuer si la réglementation des valeurs mobilières relève de la compétence d'Ottawa ou des provinces.

Également en juin, le ministre des Finances Jim Flaherty a annoncé la création d'un bureau de transition pour diriger les efforts d'Ottawa pour créer un tel organisme et entreprendre les pourparlers avec les provinces.

Cette semaine, le ministre Flaherty a annoncé la nomination des membres du comité consultatif des provinces et territoires qui participent aux activités du bureau de transition. Toutes les provinces et territoires, à l'exception du Québec, de l'Alberta et du Manitoba, ont accepté d'y nommer un représentant.

« La participation des provinces et des territoires est essentielle si nous voulons que le nouvel organisme de réglementation des valeurs mobilières respecte les besoins des Canadiens et ceux des entreprises de l'ensemble du pays», a affirmé le ministre Flaherty dans un communiqué de presse.

Le bureau de transition est dirigé par Doug Hyndman, qui occupait auparavant les fonctions de président de la Commission des valeurs mobilières de la Colombie-Britannique. Il est secondé par Bryan Davies, qui est président du conseil d'administration de la Société d'assurance dépôts du Canada depuis 2006. Auparavant, il était directeur général et surintendant de la Commission des services financiers de l'Ontario.

Le bureau de transition doit rédiger un projet de loi créant le nouvel organisme de réglementation de concert avec les fonctionnaires du ministère des Finances et celui de la Justice. Il devra aussi produire un plan de transition dans un délai d'un an, lequel devra être approuvé par les provinces qui accepteront de se joindre à la commission nationale.