Les entreprises canadiennes sont parmi les pires élèves du globe lorsqu'il s'agit de divulguer leurs émissions de gaz à effet de serre et d'évaluer les risques et opportunités des changements climatiques. Et les experts pointent le «manque de leadership» du gouvernement fédéral pour expliquer le problème.

Chaque année, des centaines d'investisseurs internationaux comme ING, Bank of America ou la Caisse de dépôt et placement du Québec se regroupent et demandent aux plus grandes entreprises de la planète de sortir du placard et de dévoiler leurs émissions de gaz à effet de serre.

L'initiative, appelée Carbon Disclosure Project, vise à évaluer les risques d'investissement en poussant les grandes sociétés à la transparence.

Or, les sociétés canadiennes se montrent particulièrement cachottières cette année.

«C'est définitivement un problème», lance Gilles Rhéaume, vice-président, division des politiques publiques, au Conference Board du Canada, l'organisation qui gère la portion canadienne de ce vaste projet qui fait toujours couler beaucoup d'encre.

Pour la première fois depuis qu'on a envoyé les premiers questionnaires aux entreprises canadiennes en 2006, le taux de réponse a diminué cette année au pays. Seulement 49% des 200 plus grandes entreprises canadiennes ont retourné le questionnaire, ce qui place le Canada au 15e rang d'un groupe de 20 pays jugés «similaires».

Mais ce n'est pas tout de répondre, encore faut-il fournir des détails et montrer qu'on prend la question climatique au sérieux. C'est là que le bât blesse le plus pour le Canada.

Les 97 entreprises canadiennes qui n'ont pas jeté le questionnaire aux poubelles se classent en milieu de peloton quand vient le temps de chiffrer leurs émissions. Même chose pour la proportion d'entre elles qui échangent ou «songent à échanger» des crédits de carbone.

Mais le Canada dégringole dans les bas-fonds quand on examine le pourcentage d'entreprises qui ont un plan de réduction des émissions (18e sur 20) ou qui font vérifier leurs émissions par une firme externe (19e place). Les entreprises canadiennes sont aussi très peu nombreuses à considérer les changements climatiques comme un risque réglementaire (19e place) ou comme une occasion d'affaire sur le plan réglementaire (20e place sur 20).

«C'est bien difficile d'établir les risques et les occasions d'affaires quand on n'a pas les règles du jeu», commente Gilles Rhéaume, du Conference Board, qui souligne qu'Ottawa n'a toujours pas réglementé les émissions de gaz à effet de serre comme l'ont fait plusieurs pays européens.

«En Europe, il y a déjà une réglementation, un marché d'échangeurs. Les gouvernements sont beaucoup plus sérieux quand vient le temps de prendre des actions. Partout dans le monde, le climat politique fait qu'on commence à prendre ces questions davantage au sérieux. Si on regarde l'Europe, le Japon, les États-Unis, il se passe des choses», dit-il, accusant carrément le Canada de «manquer de leadership».

Les bons et les mauvais élèves

Le Carbon Disclosure Project a tout de même félicité 15 bons élèves, hier. Ces entreprises ne sont pas évaluées sur la quantité de gaz à effet de serre émise, mais sur leur transparence en matière de changements climatiques. C'est ainsi que des pétrolières comme Encana, Enbridge et Suncor font bonne figure dans la catégorie des secteurs «à fortes émissions de gaz à effet de serre».

Quatre entreprises québécoises, soit le CN, Bombardier, Gaz Métro et Bell, figurent dans la liste des 15 «chefs de file».

Les banques sont aussi très présentes dans la catégorie «secteurs à faibles émissions». La Banque Royale, la TD, la Banque de Montréal et la CIBC s'y trouvent aux côtés de Bell.

D'autres entreprises comme ACE Aviation (la société mère d'Air Canada), Astral Media, Canadian Tire, Canwest, Cogeco Câble, Le Groupe Jean Coutu, Magna International, Petro-Canada, Power Corporation, Quebecor, Sears Canada et Transat A.T. n'ont pas répondu au questionnaire.

Au niveau international, 475 investisseurs qui gèrent ensemble 55 billions US ont soutenu l'initiative cette année.

La Banque de Montréal, Wal-Mart, Cisco System, Boeing, Rio Tinto et Samsung sont parmi les entreprises qui ont obtenu les plus hauts scores au niveau mondial.