Le dégraissage est loin, mais vraiment loin d'être terminé chez Air Canada. Le transporteur en difficulté lancera «plus de 100» nouvelles mesures pour réduire ses coûts d'exploitation de façon draconienne, a-t-il annoncé hier.

«Tout sera évalué minutieusement, à court terme, avec un sentiment d'urgence: rien ne sera laissé de côté», a indiqué Calin Rovinescu, président et chef de la direction, pendant une téléconférence avec des analystes.

Les objectifs sont titanesques. Air Canada veut abaisser ses coûts annuels de 400 millions de dollars et augmenter ses revenus de 100 millions d'ici la fin de 2011, deux fois plus que son objectif initial. Il faut agir vite pour affronter la baisse marquée du trafic aérien mondial, a insisté le grand patron.

L'ensemble des destinations desservies, les horaires de vol et la flotte d'appareils seront passés à la loupe pour rationaliser les dépenses. Air Canada s'est déjà entendu avec GE pour la vente de trois Boeing 777.

Le système de gestion des bagages sera aussi revu, tout comme les contrats avec les partenaires et fournisseurs. «Cela va nécessiter un changement de mentalité partout dans l'organisation», a fait valoir Calin Rovinescu.

Les nouvelles mesures d'austérité devraient permettre à Air Canada d'éviter une restructuration judiciaire «pour au moins six mois», selon Karl Moore, professeur de McGill spécialisé dans l'industrie aérienne. Le transporteur montréalais a déjà réussi à obtenir un financement de 1 milliard et à s'entendre avec ses cinq syndicats au cours des dernières semaines, ce qui augmente d'autant plus ses chances de survie, souligne-t-il.

Les compressions annoncées hier ne régleront cependant pas tous les maux du transporteur. Elles pourraient déplaire aux clients si elles affectent la qualité du service, avertit M. Moore.

«Il y a un risque de rendre l'expérience moins intéressante pour les clients en coupant des dépenses aux mauvais endroits, a dit l'expert. C'est un enjeu stratégique très important.»

Calme chez les employés

Les travailleurs d'Air Canada joints hier par La Presse Affaires n'ont pas émis de crainte particulière quant aux économies d'un-demi-milliard de dollars visées par leur employeur. Mais une chose est claire pour eux : ils estiment avoir déjà fait leur part en acceptant un gel des salaires et un moratoire de 21 mois sur la capitalisation de leur régime de retraite.

«Ce qu'on veut maintenant, c'est que les compagnies avec lesquelles Air Canada fait affaires - Jazz et Aéroplan - contribuent elles aussi à l'effort», a lancé Serge Beaulieu, porte-parole de l'Association des pilotes.

Peggy Nash, des TCA (qui représentent environ 5000 employés), rappelle que les syndiqués ont déjà accepté des concessions d'environ 2 milliards de dollars quand le transporteur a frôlé la faillite une première fois, en 2003. «Après tous ces sacrifices, on ne veut pas en faire plus.»

Air Canada espère réaliser des économies récurrentes de 50 millions cette année, de 250 millions l'an prochain, puis atteindre son objectif de 500 millions à la fin de 2011.

«Quand la reprise arrivera, car il y en aura inévitablement une, nous serons alors bien positionnés», a commenté Calin Rovinescu.

Prévisions en baisse

Le transporteur a fait état hier d'un bénéfice net de 155 millions au deuxième trimestre, en hausse de 27% sur un an grâce à un gain de change de 355 millions. Le recul du trafic aérien - en particulier dans le segment haut de gamme et les voyages d'affaires - a toutefois engendré une perte d'exploitation de 113 millions, comparativement à un profit de 7 millions il y a un an.

Le chiffre d'affaires a chuté de 16%, à 2,06 milliards. Air Canada attribue surtout cette baisse à la récession actuelle, mais aussi à la vague de grippe H1N1.

L'entreprise a abaissé davantage ses prévisions pour le reste de 2009. Sa «capacité réseau» diminuera ainsi de 4,5 à 5,5%, plutôt que les 4 à 5% anticipés en mai dernier.

Le titre d'Air Canada a glissé de 3 cents à la Bourse de Toronto, pour clôturer à 1,85$. Il a perdu 68% de sa valeur depuis un an.