Même si les données confirment que la récession sévissait plus qu'on le croyait en mai au Canada, l'optimisme était de rigueur hier, peu après la confirmation de la nouvelle.

Après tout, les gels tardifs de mai sont loin quand se pointent les canicules d'août.

La contraction réelle du Produit intérieur brut a atteint 0,5% en mai, indiquait hier Statistique Canada qui a aussi porté à 0,2% celle d'avril. Il s'agissait de la 10e décroissance mensuelle d'affilée qui portait à 3,5% en un an l'amincissement de l'économie.

Toute la contraction était concentrée dans la production de biens. Celle des services, qui représente environ les deux tiers de l'économie, n'a que marginalement changé, les gains des ventes au détail et des services financiers étant annulés grosso modo par le recul du commerce de gros et du transport.

Les déboires des manufacturiers se sont poursuivis avec en tête ceux liés à l'industrie de l'automobile. Leur volume de production a plongé de plus de 20% avec la fermeture des usines de Chrysler qui amorçait sa restructuration par une mise en faillite. «La santé de ce secteur devrait s'améliorer dès le mois prochain avec la réouverture des usines de montage et l'amélioration récente des ventes de voitures», affirme Marco Lettieri, économiste à la Financière Banque Nationale.

Les dégâts du protectionnisme

La production en usines a faibli de manière généralisée cependant avec 16 des 21 secteurs accusant des replis. C'est la conséquence de la récession américaine et surtout des effets néfastes des dispositions protectionnistes (Buy American) du plan de relance de l'administration américaine en vigueur depuis avril. Il permet aux États et aux municipalités d'exiger que les programmes d'infrastructures soient réalisés avec du contenu américain. Cela exclut les Canadiens d'un nombre grandissant d'appels d'offres.

Voilà pourquoi Ottawa presse les provinces d'ouvrir leurs appels d'offres aux fabricants américains dans le but d'obtenir un accord de réciprocité.

Les leaders des Manufacturiers et exportateurs du Canada et du Conseil canadien des chefs d'entreprise, MM. Jayson Myers et Thomas d'Aquino, ont d'ailleurs fait parvenir jeudi une lettre aux 10 premiers ministres provinciaux qui doivent se réunir la semaine prochaine à Régina dans le cadre du Conseil de la Confédération. «Nous sommes convaincus que le Canada a l'occasion de négocier avec les États-Unis un accord visant à ouvrir les marchés publics qui avantagerait aussi bien notre économie que la leur», écrivent-ils.

Les deux leaders souhaitent un accord des provinces, avant le sommet des chefs d'État américains, la semaine suivante, où MM. Stephen Harper et Barack Obama auront sans doute un tête à tête.

En mai, le surplus commercial traditionnel du Canada s'est transformé en déficit, au grand dam des manufacturiers, même si la production de minerais et d'énergie accusait aussi des replis significatifs.

Si l'économie canadienne a fait du surplace en juin, ce qui est une hypothèse réaliste compte tenu des données déjà disponibles, alors la décroissance du deuxième trimestre avoisinera les 3,5% sur une base annualisée. C'est précisément la prévision de la Banque du Canada qui annonce aussi une croissance de 1,3% de l'économie canadienne, de juillet à septembre.

Aux États-Unis, les données préliminaires du département du Commerce font état d'un repli de 1% de l'économie pour l'ensemble du deuxième trimestre. Washington a aussi révisé à la baisse la performance de l'économie américaine pour l'ensemble de 2008 ce qui confirme que nos voisins traversent la plus grave récession de l'après-guerre.

Malgré une baisse plus grande que prévue de la consommation d'avril à juin, la nette réduction du déficit commercial a freiné la décroissance qui avait atteint 6,4% au premier trimestre. En gros, la baisse des importations a été beaucoup plus prononcée que celle des exportations. Cela accrédite l'urgence d'un accord d'ouverture des marchés publics. Le Canada demeure le principal partenaire commercial des États-Unis.

«La grande divergence dans la performance des exportations nettes (exportations moins importations) explique le gros de l'écart, note Douglas Porter, économiste en chef adjoint chez BMO Marchés des capitaux. Malgré tout, cela n'exclut pas une croissance au troisième trimestre. C'est plutôt que l'économie canadienne aura à s'extirper d'un trou plus profond.»

Optimisme prudent de rigueur

Les perspectives sont beaucoup plus roses cet été qu'au printemps. Outre la reprise de la production automobile, note Diana Petramala, économiste Banque TD Groupe financier, les dépenses de consommation semblent reprendre. En outre, «la poussée des transactions sur le marché de la revente de maisons, jumelée aux stimuli des gouvernements devrait soutenir la construction jusqu'à l'été prochain.»

C'est sans doute aussi ce qu'ont vu les cambistes qui ont poussé le huard à un gain de 58 centièmes. Il termine le mois à 92,81 cents US, un sommet depuis octobre.

Reste un point faible : la production en usines. La solution passe peut-être aussi par davantage de commerce avec les puissances émergentes comme la Chine et l'Inde.