Le temps chagrin qui sévit chez nous incite les Québécois qui ne sont pas encore en vacances à envisager d'autres cieux que les nôtres pour recharger leurs batteries avant l'automne. Ils en auront pour leur argent, quels que soient les caprices de dame Nature, car notre monnaie est en pleine ascension.

Hier encore, elle a arraché 16 centièmes pour se hisser à 92,50 cents US d'équivalence. En cours de séance, elle a même touché 92,78 cents US, un sommet depuis le mois d'octobre.

Jusqu'ici, en juillet, le huard s'est apprécié de 7,4% face au billet vert, dont 6% au cours des deux dernières semaines. Des facteurs techniques devraient lui faire gagner encore un peu d'altitude d'ici à la fin de la semaine. Pour la suite des choses, la conjoncture économique sera déterminante.

Les gestionnaires canadiens de portefeuilles rajustent en fin de mois leurs pondérations. Plusieurs ont parié sur une forte reprise des actions américaines et surpondéré leurs mises. Ils doivent rééquilibrer leurs pondérations ces jours-ci. Cela signifie rapatrier une partie des gains, ce qui crée de la demande pour le huard.

«Depuis le début du mois, le moteur du huard, c'est avant tout la performance des Bourses, explique Jack Spitz, directeur des marchés des devises à la Financière Banque Nationale. À l'inverse, la faiblesse relative du billet vert reflète un regain d'appétit pour le risque.»

Il n'y a pas que les parquets new-yorkais qui attirent de plus en plus les investisseurs, celui de Toronto aussi.

«Depuis deux semaines, les acheteurs de dollars canadiens sont des Nord-Américains», observe Frédéric Mayrand, premier vice-président taux d'intérêt et change de BNP Paribas Canada. Parmi les devises liées aux prix des matières premières, comme les dollars australien et néo-zélandais, le huard est fort, note-t-il.

«La reprise paraît mieux engagée chez nous, renchérit Claude Desautels, directeur marchés des changes de BMO Marchés des capitaux. La demande de matières premières reprend vraiment. Le taux de croissance annualisé en Chine était de 8 % au deuxième trimestre.»

Le contrat à terme sur le baril de pétrole WTI s'échangeait au-dessus des 68$US, celui du Brent au-dessus des 70$US.

La semaine dernière, la Banque du Canada a affirmé que le pays renoue avec la croissance cet été, ce qui paraît stimuler la demande de titres canadiens.

En fait, selon l'agence Bloomberg, le huard est la monnaie qui s'est le plus appréciée face au billet vert. Ce n'est pas une bonne nouvelle pour les manufacturiers exportateurs sauf s'ils importent plusieurs éléments des produits qu'ils fabriquent.

Depuis le début de l'année, le huard a repris la majeure partie des pertes subies depuis la crise du crédit provoquée par la faillite de la banque d'affaires américaine Lehman Brothers, il y a 10 mois. L'hiver dernier, il s'est échangé quelques jours contre moins de 77 cents US.

Depuis le début de l'année, il a gagné plus de 10% aussi face à l'euro, au yen et au renminbi chinois. Il fait presque aussi bonne figure devant le au peso mexicain, mais il reste au même point qu'en janvier face à la livre sterling malgré d'importantes fluctuations. «À 1,78$, la livre n'est vraiment pas chère, nuance Shaun Osborne, cambiste en chef du Groupe financier Banque TD. La livre a perdu 30% de sa valeur depuis l'an dernier.»

Les différentes opinions émises pour justifier le comportement de notre monnaie entraînent les experts dans des voies divergentes quant à la suite des choses.

M. Osborne croit que notre monnaie se dirige vers la parité, qu'elle devrait atteindre avant la fin de l'année. M. Desautels, tout comme M. Spitz, croit que le huard grimpera jusqu'à 95 cents US d'ici au mois de septembre.

Plus prudent, M. Mayrand affirme que le huard poursuivra sur sa lancée avant que le dollar américain retrouve un peu de tonus en fin d'année ou, au plus tard, au début de l'an prochain. «Le marché est divisé, mais je crois qu'on est en train d'exagérer.» Deux éléments de nature différente sont susceptibles de faire remonter le billet vert: la perte d'appétit du risque des investisseurs qui ferait suite à de mauvaises données économiques ou les attentes d'une remontée des taux d'intérêt par la Réserve fédérale américaine par suite d'une tenue des économies américaine et mondiale meilleure que prévu.

Dans le premier cas, le huard pourrait retomber à près des 80-85 cents US mais, dans le second, il devrait rester au-dessus des 90 cents US sans se rapprocher de la parité.

Face à l'euro, le huard peut encore prendre du poids. Il faut ces jours-ci 1,54$ pour acheter la monnaie unique. D'ici à la fin de l'année, 1,50$ devrait suffire.