Le gouvernement fédéral est en voie d'ajouter 200 milliards $ à la dette nationale, au cours des prochaines années, et il faudra patienter au moins 10 ans avant de renouer avec l'équilibre budgétaire, selon une nouvelle analyse de la firme torontoise Dale Orr Economic Insight.

Avec ce rapport, la firme vient soutenir l'opinion de plus en plus répandue selon laquelle le plan du gouvernement d'éliminer son déficit d'ici quatre ans n'est simplement pas défendable.

Et l'économiste Dale Orr condamne les critiques faites par le premier ministre, Stephen Harper, et le ministre des Finances, Jim Flaherty, concernant le plus récent rapport du directeur parlementaire du budget, Kevin Page. M. Page y a conclu que pour l'année 2013-2014, alors qu'Ottawa prévoit retrouver des surplus, le fédéral accusera en fait toujours un déficit de 17 milliards $.

«Le gouvernement s'est défoulé sur lui», a estimé M. Orr, à propos des critiques qu'a reçu M. Page.

«Ses principales conclusions semblent être celles que l'on obtient si l'on fait une mise à jour aujourd'hui. Pourquoi est-ce que le gouvernement n'a pas dit «Oui, la situation est très différente de celle du budget en janvier dernier (...) Les prévisions quant à la situation économique se sont visiblement détériorées depuis janvier'«, a demandé l'économiste.

M. Orr a reconnu que le gouvernement réagirait peut-être de la même façon à son rapport qu'à celui de M. Page, mais il a soutenu que le nombre d'avis qui contredisent le gouvernement s'élevait, puisque les analyses de la Banque TD, de M. Page et la sienne en sont toutes venues à des conclusions semblables.

M. Flaherty a réagi le premier au rapport de M. Page, en le qualifiant de «pessimiste». M. Harper a par la suite été plus sévère, en rejetant l'idée que le Canada accusait un déficit structurel et qu'il faudrait hausser les impôts ou sabrer dans les programmes pour l'éliminer.

«Ce n'est pas nécessaire pour nous de commencer à couper dans les programmes, ni de hausser les impôts», avait-il fait valoir, lorsqu'il se trouvait en Italie pour le sommet du G8, ajoutant que cela serait une «politique très stupide».

Le premier ministre a néanmoins admis qu'il faudrait peut-être patienter plus longtemps que les quatre ans prévus dans le budget fédéral avant de retrouver l'équilibre budgétaire. Mais il a indiqué qu'il prévoyait laisser la croissance économique résoudre la situation, une fois que la récession sera passée.

M. Orr ne s'est pas prononcé quant à ce que devrait faire le gouvernement pour remédier à la situation, mais il a averti que l'idée de dépendre de la croissance économique était «risquée» et qu'il y avait peu de chances qu'elle offre des résultats avant un bon moment.

Après 2011, a-t-il expliqué, les baby-boomers auront tour à tour 65 ans et quitteront le marché du travail, ce qui réduira le potentiel de la croissance économique et s'ajoutera au nombre de demandes de rentes de retraite et de soins de santé auxquelles doit répondre le gouvernement.

D'autre part, le coût annuel du service de la dette augmentera considérablement, parce que le montant de la dette continuera de croître et les taux d'intérêts hausseront, pendant que l'économie se redressera. Le montant de la dette, prédit le rapport de M. Orr, augmentera donc de 200 milliards $ au cours des 10 prochaines années, la faisant passer à 658 milliards $.

M. Orr n'a par ailleurs pas avancé, dans son analyse, qu'Ottawa se trouvait en situation de déficit structurel, comme l'a noté M. Page. Mais il a averti que pour éliminer le manque à gagner, même dans 10 ans, il faudrait que l'économie affiche une croissance de 2,4 pour cent annuellement.

Les prévisions du budget de janvier ne sont tout simplement plus raisonnables aujourd'hui, a soutenu M. Orr.