Toutes proportions gardées, aucun autre pays que le Canada n'a vendu autant de ses grandes entreprises à des intérêts étrangers, depuis le début des années 2000.

C'est la conclusion à laquelle en vient la firme de consultation montréalaise Secor, après analyse des transactions d'achat et de vente d'entreprises d'une valeur de plus de 1 milliard de dollars rapportées par l'agence Bloomberg.

Entre 2000 à 2008, le Canada affiche un déficit de 158 milliards de dollars américains (acquisitions à l'étranger moins acquisitions d'entreprises canadiennes par des intérêts étrangers). Il se situe ainsi au troisième rang des pays vendeurs, derrière les États-Unis (-220 milliards US) et le Royaume-Uni (-158 milliards US).

« Si certaines transactions peuvent profiter au pays vendeur, la perte de contrôle sur la propriété de ses entreprises est préoccupante », note Ken Smith, associé directeur du bureau new-yorkais de Secor, dans un article publié dans l'édition de juin du Harvard Business Review. Ken Smith évoque en exemple la migration de toute l'industrie des services professionnels qui se colle aux sièges sociaux.

En contrepartie, la France se démarque nettement comme étant l'acheteuse la plus enthousiaste de grandes entreprises à l'étranger. Son surplus de 234 milliards de dollars s'explique par « une politique industrielle mondiale agressive». Suivent plus loin derrière l'Espagne (+101 milliards US) et la Belgique (+79 milliards US).

Bref, contrairement à ce qu'on pourrait penser à lire certaines manchettes alarmistes, les Européens sont beaucoup plus gourmands en grandes entreprises étrangères que les Chinois, qui se classent seulement au 10e rang des pays acheteurs pour cette période.

La propriété de grandes multinationales rehausse l'influence des pays, aux yeux de Ken Smith. « Les États-Unis, le Royaume-Uni et le Canada vont prendre du retard s'ils ne se préoccupent pas de leurs déséquilibres dans la restructuration industrielle globale », prévient-il.

Le protectionnisme n'est pas la solution, fait toutefois valoir Ken Smith. Mais, les pays doivent prendre de grands moyens pour favoriser leurs multinationales.

Les pays doivent faire pression pour que leurs entreprises puissent acquérir des entreprises à l'étranger avec autant de facilité que s'ils étaient une entreprise locale. Les administrateurs ne doivent pas toujours céder à la pression des fonds de couverture et des fonds d'investissements privés, qui n'ont que l'intérêt à court terme de l'entreprise à coeur. Et les dirigeants doivent se soucier de la taille de leur entreprise, pour ne pas se laisser distancer par leurs concurrents internationaux en mode acquisition.