On ne sait pas encore si le congédiement-surprise de Guy Carbonneau sortira le Canadien de sa torpeur. Chose certaine, le dollar canadien, lui, paraît avoir retrouvé ses ailes depuis lundi soir. Et plusieurs experts le voient franchir aisément la barre des 80 cents US d'ici l'automne.

Après être plongé lundi jusqu'à 76,53 cents US d'équivalence, son cours le plus faible en quatre ans et demi, le huard a repris plusieurs plumes dès le début de la journée hier avant de céder du terrain en fin de séance.

 

En matinée, il est même grimpé jusqu'à 78,33 cents US. Il a terminé la séance à 77,81 cents US, ce qui représente un gain de 83 centièmes.

«En octobre, novembre et décembre, les cambistes avaient testé le plafond de 1,30$, mais il avait résisté. Lundi, il a cédé, mais très brièvement», explique Martin Lefebvre, économiste principal chez Desjardins. (À 1,30$CAN pour un billet vert, il faut 76,92 cents US pour un dollar canadien.)

M. Lefebvre attribue cette faiblesse surtout à l'engouement inconsidéré des investisseurs pour le billet vert, compte tenu de leur aversion présente pour le risque. Dès qu'ils auront vaincu en partie leur peur, le problème chronique de l'endettement des États-Unis et l'impossibilité des autorités monétaires à hausser les taux d'intérêt ne pourront qu'affaiblir le billet vert.

Le rebond du huard hier s'explique d'ailleurs avant tout par la devise américaine. Elle a reculé face à toutes les autres devises sur la foi d'un courriel envoyé par le PDG de Citigroup, Vikram Pandit, à son personnel, pour l'informer que la banque était en train de connaître son meilleur trimestre depuis 2007. Cela a stimulé les Bourses nord-américaines, affaibli le billet vert et propulsé le huard. La nationalisation à hauteur de 36% de Citigroup par Washington le mois dernier avait ranimé les craintes que les actionnaires de la plupart des banques américaines soient lavés et entraîné la panique de bien des investisseurs.

D'autres banques pourraient devoir subir la médecine appliquée à Citigroup et déprimer à nouveau les investisseurs au cours des prochaines semaines. Le huard n'est pas forcément au bout de ses peines, surtout si la décroissance du premier trimestre devait s'avérer plus grave que celle de l'automne.

«Il existe ces jours-ci une corrélation étroite entre le dollar canadien et le comportement des marchés boursiers, fait remarquer Guy Phaneuf, directeur des instruments de dette chez BMO Marchés des capitaux. Quand les craintes vont s'estomper et qu'on va chercher de la valeur, alors le marché canadien va être le premier à réagir.»

L'attrait des titres canadiens va créer une demande pour notre monnaie et l'apprécier. Au cours des trois prochains mois cependant, M. Phaneuf croit qu'elle va osciller entre 75 cents et 84 cents US.

Mauvaises nouvelles

Le huard a aussi été frappé au cours des derniers jours par la publication de très mauvaises nouvelles économiques. Le premier déficit du compte courant en neuf ans enregistré au quatrième trimestre et annoncé il y a 10 jours, après l'aveu par Ottawa que le budget fédéral de l'année en cours sera déficitaire, a effacé son meilleur atout durant toute la décennie: les surplus jumeaux.

Quand on se compare, on se console toutefois et cela reste un atout pour le huard. Par exemple, souligne Yanick Desnoyers, économiste en chef adjoint à la Financière Banque Nationale, la dette fédérale représente 30% du PIB. Dans plusieurs économies occidentales, c'est plus de 100%.

La remontée du huard ne se fera pas avant l'apparition de signes de la reprise. «Et la condition de la reprise, c'est la réussite du Plan de stabilité financière américain», précise-t-il.

M. Desnoyers affirme que ce sera manifeste durant l'été et que le huard restera malmené d'ici là, avant de remonter jusqu'à près de 85 cents US à la fin de l'année.

La remontée des prix des matières premières dont va profiter le huard se fera en douce au cours du prochain cycle pour deux raisons: les fonds spéculatifs ne gonfleront pas indument la demande tandis que l'appétit de l'économie chinoise sera moins vorace puisque ses marchés d'exportations seront moins gourmands. Endetté jusqu'au cou et sans perspective d'emprunter sur la plus-value de sa maison, le consommateur américain sera plus prudent.

Stratège des marchés monétaires chez BNP Paribas à Londres, Hans-Guenter Redecker fait preuve d'un optimisme plus grand. «Le Canada est le baromètre nord-américain du commerce chinois, explique-t-il. La Chine est très active dans le soutien de son économie. Il y a lueur d'espoir.»

La faiblesse présente du huard est temporaire, assure-t-il. Il le voit grimper à 90 cents US en fin d'année. «La devise est plutôt bien portante.»

110,30¢US

Le sommet historique atteint en cours de séance par le dollar canadien, par rapport au billet vert américain, le 7 juillet 2007

61,79¢US

Creux historique touché par le huard, par rapport au dollar américain, le 21 janvier 2002