Les exportateurs canadiens devraient chercher de nouveaux marchés au-delà des États-Unis et de l'Europe, là où la récession mondiale frappe moins fort, a conseillé mercredi le président et chef de la direction du géant de l'ingénierie SNC-Lavalin (T.SNC), Jacques Lamarre.

«Dernièrement, je faisais un voyage qui m'a amené dans différents endroits et la crise n'est pas aussi intense dans le reste du monde qu'elle l'est en Amérique du Nord et en Europe», a relaté M. Lamarre à la tribune des Manufacturiers et Exportateurs du Québec.

«Si vous allez au Brésil, ils n'ont pas la même vision de la crise qu'on peut l'avoir ici, a-t-il précisé. Si vous allez en Afrique du Sud ou en Asie, ce n'est pas la même chose non plus. Ca veut dire qu'on s'en vient peut-être dans un monde multipolaire.»

Certes, les prévisions de croissance de l'Asie sont passées de quelque cinq pour cent à 2,5 pour cent pour 2009, mais on reste tout de même en territoire positif, contrairement à la situation des pays industrialisés, a souligné Jacques Lamarre.

Cela fait des années que SNC-Lavalin, présent dans une centaine de pays dans le monde, mise sur la diversification géographique et sectorielle. Ainsi, tout juste cinq pour cent de son chiffre d'affaires provient des États-Unis, pourtant la première économie mondiale.

«Je sais que pour plusieurs ici, les États-Unis, c'est le pôle d'attraction principal, a noté Jacques Lamarre. Mais on peut peut-être profiter de cette crise-là pour essayer de faire une recherche d'autres marchés. Il y a d'autres marchés qui seront très porteurs et qu'on pourrait peut-être approvisionner à partir du Canada et du Québec.»

Protectionnisme

En dépit du plan de relance massif de la nouvelle administration de Barack Obama, SNC-Lavalin n'entend pas accroître sa présence au sud de la frontière, à cause de la vive concurrence, mais aussi par crainte du protectionnisme.

«Les firmes qu'on a là-bas, c'est plutôt des firmes spécialisées dans le secteur privé, a expliqué M. Lamarre en point de presse. Donc aller là-bas pour les infrastructures alors qu'il n'y a pas un amour naturel pour les étrangers, je ne suis pas certain que ce serait une bonne stratégie maintenant.»

La même théorie ne s'applique toutefois pas pour le reste du monde.

«Le protectionnisme agit partout, a reconnu le PDG. La seule façon d'obtenir un contrat, c'est si on offre quelque chose que les firmes locales ne peuvent pas offrir. (...) C'est pour ça que ma première stratégie, c'est d'offrir une certaine excellence, un certain degré de technicité qui est supérieur. Autrement, c'est certain que les gens vont faire affaire avec leurs firmes locales. Ils sont comme tout le monde. On est tous pareils.»

SNC-Lavalin s'attend à profiter de la manne que constituent les innombrables programmes d'investissements dans les infrastructures qui apparaissent partout dans le monde. Cela devrait compenser pour la réduction du nombre et de la taille des projets dans le secteur des hydrocarbures, qui a fortement pâti de la chute des prix des matières premières.

Par conséquent, l'entreprise maintient ses prévisions: des profits de quelque 300 millions $ pour l'année financière 2008 et des résultats semblables pour 2009. On espère une forte reprise dès 2010. Des employés ou des sous-traitants pourraient néanmoins écoper de la crise.

«C'est certain qu'il peut y avoir des mises à pied comme il peut y avoir de l'emploi, mais rien de dramatique par rapport à la dimension de la chose», a affirmé Jacques Lamarre.

Scandale en Inde

Le grand patron se dit par ailleurs peu perturbé par la résurgence d'un vieux scandale dans laquelle est impliqué SNC-Lavalin en Inde. Les journaux du pays en traitent abondamment depuis des semaines, certains allant jusqu'à parler du «Lavalingate».

L'affaire, complexe et politique, concerne un projet de réhabilitation d'installations hydroélectriques dans l'État de Kerala qui n'aurait pas suivi les règles d'attribution des contrats et qui n'aurait pas donné les résultats escomptés, selon des vérificateurs proches de certains partis. M. Lamarre a nié mercredi toute malversation et a assuré qu'il ne s'inquiétait pas pour la réputation de SNC-Lavalin.

«Qu'est-ce que vous voulez qu'on y fasse? a-t-il lancé. Si on ne veut pas avoir chaud, on est mieux de ne pas être dans la cuisine. Moi, ça ne me dérange pas.»

L'action de SNC-Lavalin a clôturé mercredi à 35,18 $, en baisse de 1,6 pour cent, à la Bourse de Toronto.