Une toute petite ligne, perdue parmi les 650 pages du plan de relance économique de Barack Obama, a semé au Canada jeudi la crainte d'un repli protectionniste du voisin du Sud.

Un article du document adopté par la Chambre des représentants aux États-Unis prévoit la mise en oeuvre d'une politique d'achat local pour le fer et l'acier destiné aux projets d'infrastructures américains.

Le plan doit d'abord obtenir l'aval du Sénat américain, mais l'éventualité d'une clause interdisant l'achat de ces métaux en provenance de l'étranger a suffi pour que les partis politiques à Ottawa et les représentants de ces industries aient la frousse de voir les États-Unis s'engager sur la pente du protectionnisme.

Le Canada exporte pas moins de 40 pour cent de son acier aux États-Unis.

Interpellé par le chef libéral Michael Ignatieff sur cette question à la Chambre des communes, le premier ministre Stephen Harper a indiqué qu'il s'agissait d'une sérieuse source de préoccupations pour son gouvernement.

Il a affirmé avoir parlé à l'ambassadeur du Canada aux États-Unis à ce sujet la veille et s'est engagé à discuter du problème à nouveau pour obliger le voisin du Sud à «respecter ses obligations internationales».

«Je sais que d'autres pays ont exprimé d'importantes craintes à l'égard de ces mesures qui vont non seulement à l'encontre des obligations des États-Unis, mais aussi, franchement, de l'esprit de nos discussions du G20», a soutenu le chef conservateur.

Il n'a pas indiqué cependant s'il entendait aborder la question avec M. Obama lorsque le président sera à Ottawa pour sa première visite officielle, le 19 février.

Conservateurs et libéraux privilégient la diplomatie et les discussions bilatérales pour régler cette situation. Le chef néo-démocrate, Jack Layton, croit pour sa part que le Canada doit lui aussi mettre en place une politique d'achat local pour stimuler son activité économique et favoriser la création d'emplois.

«Le Canada essaie de jouer au boy scout lorsqu'il est question de ces choses-là, alors que les autres pays ont des politiques en place parfaitement raisonnables», a-t-il lancé.

Deux poids, deux mesures?

S'ils sont en faveur du libre-échange, les conservateurs semblent d'un autre côté ne pas être complètement fermés à l'idée d'acheter localement... quand il s'agit d'acheter de ce côté de la frontière.

«On achète canadien, dépendamment des spécifications qui sont demandées dans les appels d'offres, c'est certain, mais notre rôle c'est toujours d'avoir la meilleure valeur qualité-prix pour le payeur de taxes», a expliqué le ministre des Travaux publics, Christian Paradis.

«Alors, lorsqu'on peut aller avec les compagnies canadiennes en respectant ce principe-là, c'est parfait», a-t-il conclu.

D'ailleurs, lors d'une visite sur un chantier de construction un peu plus tôt en matinée, le premier ministre s'est montré satisfait lorsqu'un travailleur lui a affirmé que les matériaux de construction provenaient largement du Canada et que son placoplâtre n'était pas chinois.

«Je vous prends au mot», a répliqué M. Harper.

L'Association canadienne des producteurs d'acier prévient cependant que si les plans de relance sont importants au nord comme au sud de la frontière canado-américaine, le libre-marché, au Canada comme ailleurs, doit prévaloir.

«Les gouvernements doivent préserver les principes de libre-échange, incluant le renforcement de lois contre l'importation inéquitable, le dumping et les autres barrières au commerce», a écrit son président, Ron Watkins, dans un communiqué.

La mesure ne fait d'ailleurs pas l'unanimité aux États-Unis, puisqu'elle a été critiquée par Chris Braddock, de la Chambre américaine du commerce. Il a dit, justement, avoir peur que la clause protectionniste nuise à l'économie américaine en incitant d'autres pays à suivre le mauvais exemple américain.