Le dos au mur, le gouvernement Harper signe un budget à l'encre rouge foncé et teinté de dépenses afin de combattre la récession et probablement d'assurer sa survie.

En effet, les conservateurs déposent un budget qui table sur un déficit de 63,5 milliards $ sur deux ans et de 84,9 milliards $ de façon cumulative jusqu'en 2012-13. Si les prévisions tiennent la route, les surplus reviendront en 2013-14 pour la modeste somme de 700 millions $. Le budget comprend une foule de mesures pour stimuler l'économie, totalisant 30 milliards $ ou 1,9% du PIB pour 2009. Comparativement, le Fonds monétaire international suggère aux pays de faire un effort équivalant à 2% du PIB pour sortir du marasme.

Surtout, la mesure la plus visible sera une baisse d'impôt totalisant 20 milliards $ pour les particuliers en 2008-09 et les cinq années financières qui suivront.

Le 1er janvier 2009, le montant personnel de base et la limite supérieure de deux fourchettes d'imposition montent de 7,5%. Conséquemment, il sera possible d'avoir un revenu plus élevé et moins pénalisé par le fisc.

Environ 12 milliards $ sont consacrés à des infrastructures et Ottawa veut accélérer l'acceptation de projets pour que les premiers effets se fassent sentir d'ici 120 jours.

Les consommateurs et entreprises pris à la gorge ne sont pas laissés pour compte avec l'investissement total de 200 milliards $ dans l'accès au crédit.

Justement, Ottawa élargit grandement son coup de main aux banques en achetant d'autres hypothèques assurées. L'ajout de 50 milliards $ fait passer ce programme à 125 milliards $. Cette mesure n'est pas innocente: en facilitant le financement à long terme des institutions financières, celles-ci peuvent refiler aux clients les récentes baisses de taux d'intérêt de la Banque du Canada.

Le budget déposé mardi dégage 13 milliards $ pour que les sociétés d'État telles que la Société canadienne d'hypothèques et de logement, Exportation et développement Canada et la Banque de développement du Canada fassent leur part pour raviver l'économie. La SCHL pourra mettra à la disposition des banques une somme de 10 milliards $ provenant d'une nouvelle obligation hypothécaire trimestriel à échéance de 10 ans.

«Ensemble, ces mesures permettront de rétablir la confiance et de favoriser l'activité d'octroi de prêts, assure Jim Flaherty, ministre des Finances. Elles inciteront en outre les entreprises canadiennes à continuer d'investir, de prendre de l'expansion et de créer des emplois.»

Afin de répondre aux mises à pied massives des dernières semaines, Ottawa accroît légèrement l'accès à l'assurance emploi. Ainsi, les droits pour les prestations régulières de cinq semaines sont prolongés pendant deux ans et la durée maximale des prestations passe de 45 à 50 semaines.

D'ailleurs, le taux de cotisation est gelé à 1,73 $ par tranche de 100 $ jusqu'en 2010. Selon le ministre Flaherty, il s'agit d'un plancher comparable à celui de 1982 et d'une stimulation de 4,5 milliards $ pour l'économie.

Sombres prévisions

Le budget 2009 fait état de la dure période que traverse le Canada.

L'économie doit se contracter de 0,8% cette année, selon les prévisions du secteur privé. Mais surtout, le gouvernement ajoute qu'il voit encore «un important risque que la baisse se poursuive». La reprise devrait se manifester dès 2010 avec une croissance de 2,4%. C'est beaucoup moins optimiste que les calculs de la Banque du Canada, qui table plutôt sur 3,8%.

Selon les documents du budget, la dette nationale ne devrait pas devenir un boulet malgré cinq ans de déficit à venir. En effet, le ratio comparativement à la taille de l'économie serait de 32,1% en 2010-11, la dette s'élevant à 522,2 milliards $. Le ratio descendrait à 28% en 2013-14 avec une dette de 541,8 milliards $.

Les économistes considèrent qu'un ratio de 25% est une cible généralement acceptable.

En 2009, les revenus du gouvernement devraient s'élever à 224,9 milliards $ et les dépenses de programmes à 229,1 milliards $. Le service de la dette coûtera 29,5 milliards $. Tout cela explique le déficit prévu de 33,7 milliards $.

Pendant le discours du budget à la Chambre des communes, Jim Flaherty a mis un bémol au pessimisme qui entoure le plongeon dans le rouge. Il a rappelé que le Canada se compare bien aux autres pays du G7.

«Parce qu'ils sont entrés en récession après avoir accumulé de lourds déficits pendant des années, a souligné le ministre, les énormes déficits qu'ils creusent pour affronter la crise actuelle persisteront pendant des années. Le Canada a la marge de manoeuvre nécessaire pour réagir de manière efficace à la crise actuelle sans mettre en péril notre prospérité à long terme. En fait, la situation actuelle constitue une occasion d'accélérer les investissements requis pour assurer notre croissance et notre qualité de vie dans l'avenir.»

Cela dit, poursuit M. Flaherty, «les Canadiens regrettent que l'on doive créer un déficit pour investir dans notre économie. Le gouvernement le déplore également. Nous avons choisi d'agir ainsi parce que c'est nécessaire, et parce que nous savons que la situation sera temporaire.»

Vers la fin de son discours, Jim Flaherty a lancé un message clair à l'opposition libérale, néo-démocrate et bloquiste. «La réussite de notre pays repose toutefois sur nous tous: sur tous les ordres d'administration publique, sur tous les dirigeants financiers et les chefs d'entreprise, sur tous les dirigeants communautaires et sur chacun des Canadiens et des Canadiennes. Pour cela, nous devons commencer par travailler ensemble en cette chambre. Les représentants du peuple canadien réunis ici au Parlement doivent prendre une décision.»

La morale de l'histoire: Jim Flaherty espère que son budget sera adopté et que le gouvernement Harper survivra au vote de confiance.