Le gouvernement allemand organise mercredi un sommet de crise sur l'avenir des voitures diesel, empêtrées dans un scandale interminable qui fait craindre désormais pour l'avenir de l'industrie automobile nationale toute entière, pilier de l'économie du pays.

« La réputation des voitures "Made in Germany" menace d'être endommagée et c'est quelque chose qui serait terrible », a déclaré dimanche le ministre des Transports Alexander Dobrindt au quotidien Bild.

« L'industrie automobile s'est mise dans une situation vraiment difficile » et elle a « à présent une sacrée responsabilité à prendre pour regagner la confiance », a-t-il ajouté.

Cette réunion à Berlin entre pouvoirs publics, constructeurs allemands, fédérations patronales et syndicats sur l'avenir de cette technologie se tiendra de surcroît dans un contexte européen peu porteur pour le secteur.

La France et la Grande-Bretagne viennent d'annoncer vouloir mettre fin à la vente de voitures diesel ou essence à partir de 2040.

Tous les fabricants de voitures en Allemagne, Volkswagen et ses marques Audi et Porsche, Daimler (Mercedes-Benz), mais aussi Opel et l'Américain Ford, participeront au « forum national », qui se tient deux ans après le début du scandale du diesel chez Volkswagen.

Éviter les interdictions

L'objectif affiché est de trouver des solutions afin de réduire les niveaux de gaz polluants.

Pour les constructeurs, il s'agit surtout d'éviter les interdictions pour les véhicules diesel, qui menacent dans plusieurs villes allemandes et effraient les clients.

Cette perspective est cauchemardesque pour les constructeurs, alors qu'un tiers du parc automobile allemand est constitué de véhicules au gazole.

En outre, les fabricants allemands, longtemps à la traîne sur l'électrique, comptent sur les ventes de voitures équipées de moteurs diesel modernes, dit « dépollués », pour parvenir à respecter la réglementation européenne en matière de réduction d'émissions de CO2.

Saisi par des écologistes, le tribunal administratif de Stuttgart, berceau de Mercedes-Benz et Porsche, a estimé vendredi que les interdictions des véhicules diesel anciens étaient la solution la plus efficace pour lutter dans la ville contre la pollution.

« Une gifle pour les fabricants automobiles juste avant le sommet sur le diesel », s'est réjoui Tobias Austrup, de Greenpeace.

Outre cette épée de Damoclès, le « forum national sur le diesel » se tiendra dans un contexte alourdi par la révélation de soupçons de cartel entre constructeurs allemands, qui aurait selon la presse jeté les bases de la manipulation des émissions polluantes.

Dimension politique

À l'approche des élections législatives du 24 septembre, la question est devenue un sujet de rivalité entre sociaux-démocrates du SPD et conservateurs (CDU/CSU) de la chancelière Angela Merkel.

Le SPD a lancé la charge en reprochant d'abord à Angela Merkel son absence sur ce dossier stratégique.

« Quand des millions de moteurs diesel font l'objet de manipulation et qu'une des plus grandes industries du pays est en danger, la chancelière devrait bien sûr être présente au sommet du diesel », a tonné un responsable du SPD, Johannes Kahrs, dans le quotidien Handelsblatt.

Angela Merkel ne prévoit pas de participer au sommet, organisé par ses ministères spécialisés.

De manière générale, la proximité historique du monde politique allemand avec le secteur automobile est critiquée. Et cela concerne les deux grands partis : l'État-région de Basse-Saxe, dirigé par les sociaux-démocrates, est ainsi un grand actionnaire de Volkswagen.

Ces liens avec un secteur qui est aussi un des plus gros exportateurs et employeurs du pays (800 000 postes) ont conduit à un excès « de confiance » des constructeurs, qui se sont crus tout permis, a regretté cette semaine la ministre de l'Environnement Barbara Hendricks.

Dernier épisode du feuilleton : le rappel cette semaine de 22 000 véhicules diesel de Porsche dotés de systèmes permettant de masquer le niveau réel d'émissions.

Dorénavant, une majorité d'Allemands (53 %) disent ne plus avoir confiance dans les constructeurs, selon un sondage publié dimanche par Bild.

Les groupes concernés ont proposé ou déjà annoncé l'amélioration à leurs frais de certains de leurs véhicules diesel en circulation, via la mise à jour du logiciel gérant la filtration des émissions d'oxydes d'azote (NOx). Il n'est pas sûr que cela suffise.