En 2012, la stratégie d'expansion d'Uni-Sélect aux États-Unis a frappé un noeud. Pour corriger la situation, le distributeur de pièces automobiles de Boucherville a dû mettre en place non pas un, mais deux plans de redressement. Le remède a fini par porter ses fruits.

De la fenêtre de son bureau, Richard Roy ne voit pas le parc industriel de Boucherville, mais les garages du New Jersey et du Texas. On comprend le PDG d'Uni-Sélect: près des trois quarts des revenus de l'entreprise proviennent des États-Unis.

Fondée en 1968 par 12 grossistes de pièces automobiles, Uni-Sélect est l'une des trop rares entreprises québécoises à avoir percé avec succès le marché américain. Mais il y a deux ans, Uni-Sélect n'avait pas encore pleinement intégré la soixantaine d'acquisitions réalisées au sud de la frontière au cours des 20 dernières années. Le distributeur devait faire le ménage.

À l'été 2012, M. Roy a annoncé une restructuration visant à générer des économies annualisées de 20 millions US. Uni-Sélect a resserré la gestion de ses stocks et licencié 500 salariés. En raison du ralentissement économique qui persistait aux États-Unis, les résultats financiers de l'entreprise ont toutefois continué à se dégrader au début de 2013. Il fallait un deuxième plan, plus radical.

Au printemps 2013, Uni-Sélect a donc décidé de lancer un «examen stratégique» de ses activités américaines de distribution de pièces. Les observateurs du marché ont tout de suite compris que l'entreprise les mettait en vente, mais Richard Roy jure qu'il n'en était rien. «Est-ce que j'ai rencontré des gens de l'industrie qui m'ont dit: «si tu veux vendre quelque chose, pense à moi» ? La réponse est oui. Il y a eu beaucoup d'expressions d'intérêt, mais pas d'offre.»

Mais pourquoi ne pas avoir tâté le marché en mettant à la disposition des acheteurs potentiels des informations confidentielles sur les activités américaines? «On avait engagé des gens extrêmement compétents [RBC Marchés des capitaux] qui étaient capables d'évaluer ça sans data room », répond M. Roy.

L'analyse de RBC a convaincu l'entreprise que même si le marché américain de la distribution de pièces d'auto aux détaillants est arrivé à maturité, il demeure porteur avec des perspectives de croissance de 3,6% par année.

Compressions bis

Mais pour en tirer le plein potentiel, il fallait procéder à une deuxième rationalisation des activités. Dans le plan dévoilé en juillet dernier, il n'y avait plus de vaches sacrées: on a annoncé la fermeture ou la vente de 48 des 450 magasins, la fermeture de 12 des 58 entrepôts et le licenciement de 700 employés. Les entrepôts fermés seront remplacés par deux centres de distribution géants. L'objectif: dégager des réductions de dépenses additionnelles de 30 millions US par année.

Il était devenu urgent de regrouper les activités de plusieurs des entrepôts et magasins acquis au fil des ans, leur éparpillement nuisant à l'efficacité d'Uni-Sélect. «Quand on combine deux entrepôts, on réduit les stocks de 30% tout en améliorant le niveau de service», résume Richard Roy, qui promet de ne pas attendre aussi longtemps pour fermer des entrepôts à la suite des prochaines acquisitions. «C'est une erreur qu'on ne refera pas», confie-t-il.

La fermeture d'entrepôts a aussi été rendue nécessaire par un changement majeur de la dynamique aux États-Unis: l'engouement soudain pour l'expédition directe. Avec ce mode de fonctionnement, très répandu au Canada, les clients d'Uni-Sélect, des grossistes qui desservent des garages, s'approvisionnement directement auprès des fabricants de pièces. Uni-Sélect joue toujours le rôle d'intermédiaire entre les grossistes et les fournisseurs, mais les produits ne transitent pas par ses entrepôts. L'entreprise assure que ses marges bénéficiaires ne sont pas réduites pourvu qu'elle ajuste ses coûts en conséquence. D'où la baisse du nombre d'entrepôts.

Huit mois après son dévoilement, le plan d'action d'Uni-Sélect commence déjà à donner des résultats. Les ventes et les profits ont repris le chemin de la croissance depuis deux trimestres. Après une implantation difficile au coût de plus de 90 millions US, le nouveau système informatique aide finalement l'entreprise à prendre de meilleures décisions. Mais surtout, l'action d'Uni-Sélect s'est appréciée de 49% en un an, un rendement supérieur à celui de la plupart de ses concurrents.

Uni-Sélect ne peut toutefois pas se reposer sur ses lauriers. L'automne dernier, la consolidation de l'industrie a repris de plus belle lorsque Advance Auto a mis la main sur General Parts (Carquest) pour 2 milliards US, ce qui lui a permis de devenir le leader du marché. Des analystes financiers se sont aussitôt emballés: Uni-Sélect pourrait bien être la prochaine cible.

Richard Roy répète à qui veut l'entendre qu'Uni-Sélect n'est pas à vendre. Maintenant que l'entreprise a retrouvé la bonne voie, sa stratégie est simple: reprendre tranquillement les acquisitions de façon à ajouter chaque année environ 100 millions US de revenus. «Si on fait ça pendant plusieurs années, on se retrouvera avec une organisation d'une taille significative qui aura créé de la valeur pour ses actionnaires», dit-il en souriant.

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LES PRINCIPAUX ACTEURS NORD-AMÉRICAINS

(Ventes annuelles en dollars US)

1. Advance Auto Parts, Virginie (9,6 milliards)

2. Autozone, Tennessee (9,1 milliards)

3. O'Reilly Automotive, Missouri (6,7 milliards)

4. Genuine Parts (Napa), Géorgie (6,6 milliards)

5. Uni-Sélect, Boucherville (1,8 milliard)

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UNI-SÉLECT EN BREF

> Ventes en 2013: 1,8 milliard US (en baisse de 0,5%)

> Profits nets en 2013: 21,3 millions US (en baisse de 28%)

> 5500 employés

> 400 magasins

> 1200 clients grossistes

> 5400 ateliers de réparation