L'affaire d'espionnage qui secoue le constructeur automobile français Renault a pris un tour diplomatique mardi, la Chine dénonçant des accusations «inacceptables» contre elles, tandis que Paris se défendait d'avoir pointé quiconque du doigt à ce stade.

Le numéro deux français de l'automobile a pour sa part convoqué trois cadres dirigeants suspendus pour leur notifier les soupçons qui pèsent sur eux et pourraient conduire à leur éviction rapide.

Les accusations visant la Chine sont «totalement sans fondement, irresponsables et inacceptables», a dénoncé mardi le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Hong Lei.

C'est la première fois que Pékin sort de sa réserve depuis la révélation de l'affaire en début de semaine dernière.

«Il n'y a pas d'accusation officielle de la France et du gouvernement français à l'égard d'aucun pays aujourd'hui», a immédiatement réagi le porte-parole du gouvernement français, François Baroin.

«Renault, comme d'autres, est victime d'une guerre d'intelligence économique», a-t-il en revanche réaffirmé en ironisant: «La planète, le monde et l'économie en particulier, c'est pas celui des bisounours».

La piste d'une fuite vers la Chine de secrets touchant à la voiture électrique, projet phare dans lequel Renault et son allié japonais Nissan ont investi 4 milliards d'euros, est privilégiée par le contre-espionnage français et le groupe, selon la presse et les spécialistes de l'intelligence économique.

Mais ni Renault, ni l'État français, son actionnaire à 15%, ne l'ont confirmé jusqu'ici.

Le numéro deux du groupe automobile, Patrick Pélata, s'est contenté d'affirmer que Renault était «victime d'une filière organisée internationale», sans préciser les commanditaires de l'affaire.

Selon Le Figaro, une société chinoise, présentée comme un géant de la distribution électrique, aurait alimenté des comptes de deux des trois cadres mis à pied par Renault.

L'enquête menée depuis fin août 2010 au sein du groupe a permis de découvrir 130 000 euros sur un compte au Liechenstein et 500 000 sur un autre en Suisse, affirme mardi le quotidien, sans préciser ses sources. Les versements occultes auraient transité par des intermédiaires à Shanghaï et Malte.

Selon le journal, une note de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) du 7 janvier confirme la plausibilité de la piste chinoise. Pour autant, il ne s'agit que d'un faisceau de soupçons convergents que le contre-espionnage devra s'attacher à étayer une fois saisi par la justice.

Renault a affirmé qu'il déposera «inévitablement» plainte mais n'a pas encore franchi le pas.

Les trois cadres mis à pied le 3 janvier par le groupe sont convoqués mardi après-midi à des entretiens préalables à un éventuel licenciement, dans un lieu tenu secret afin «d'éviter la présence des médias», selon une source syndicale.

Les deux premiers cadres seront assistés par la CFE-CGC, le dernier, Matthieu Tenenbaum, par la CFDT, comme l'autorise le Code du Travail.

Les deux syndicats ont eu de brefs échanges avec les trois cadres, qui assurent «ne pas comprendre ce qui leur arrive», a précisé une source syndicale. «Nous serons là pour vérifier que la procédure de l'entretien se déroule normalement, que la réunion sera contradictoire», a ajouté la même source.

La procédure avant un licenciement impose ces entretiens pour que la direction détaille ses griefs aux salariés visés et qu'ils puissent lui répondre.

L'avocat de M. Tenenbaum, Me Thibault de Montbrial, a dénoncé ces derniers jours un «lynchage» de son client, qui se dit «abasourdi par les accusations d'espionnage».