Une image ternie par le rappel de millions de véhicules, une concurrence toujours plus féroce des voitures coréennes et américaines: on peut difficilement imaginer une pire année 2010 pour Toyota (TM), qui a vu ses ventes chuter de 16% au Canada. Selon les experts, le constructeur devra se retrousser les manches pour améliorer sa performance en 2011.

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Claude Chassé ne s'en cache pas. Le rappel causé par un problème d'accélérateur lui a coûté cher. L'homme d'affaires possède un concessionnaire Toyota dans le Plateau Mont-Royal, et ses ventes ont chuté de près de 15% en 2010.

Fort de son image de champion de la qualité, le constructeur japonais s'est bâti une clientèle fidèle au fil des ans. Ceux qui ont déjà possédé une Toyota ont d'ailleurs continué d'affluer au concessionnaire, constate M. Chassé. Mais beaucoup de nouveaux clients ont été effrayés par la mauvaise publicité.

«Ceux qui ont été inquiétés par les mauvaises nouvelles sont les gens qui n'ont jamais eu de Toyota et qui hésitent entre Mazda, Honda ou d'autres, a-t-il expliqué. Les mauvaises nouvelles ont peut-être incité ces clients potentiels à se tourner vers une marque concurrente.»

Pour stimuler ses ventes, Toyota a diminué ses taux d'intérêt et offert de meilleurs prix pour des voitures d'occasion. L'arrivée de la marque Scion, lancée au Canada en septembre, devrait également donner un coup de pouce à Claude Chassé.

«Actuellement, on n'a jamais vendu des Toyota à un aussi bon prix», souligne-t-il.

Concurrence féroce

Au-delà des effets du rappel, les déboires de Toyota illustrent la féroce concurrence dans le marché de l'automobile, font valoir les experts. Les données publiées la semaine dernière sur les ventes de voitures confirment que la hiérarchie des constructeurs est loin d'être coulée dans le béton.

«Les problèmes de Toyota lui ont fait très mal, convient Yan Cimon, professeur de management à l'Université Laval et expert de l'industrie automobile. Ça s'est reflété dans les ventes et les concurrents de Toyota, notamment Ford et GM, ont su en profiter.»

Ford a détrôné GM au premier rang des ventes au Canada. Chrysler a surpassé Toyota en troisième place. Et Hyundai chauffe maintenant Honda pour le quatrième rang.

«Ça vous donne une idée de la fragilité des marchés», observe Jean-Claude Gravel, qui possède depuis longtemps des concessionnaires GM, et qui a lancé un concessionnaire Hyundai l'an dernier. «Quand la presse annonce des rappels massifs de certains produits, on a beau avoir un produit extraordinaire, ce qu'on a mis des années à bâtir prend des secondes à détruire.»

L'homme d'affaires en sait quelque chose: ses ventes de GM ont chuté de moitié lorsque la faillite du constructeur a entraîné une vaste restructuration. L'entreprise a lancé de nouveaux modèles plus économiques comme la Chevrolet Cruze, l'an dernier, et les ventes de M. Gravel ont bondi de 48%.

Hyundai devrait continuer à gagner du galon, estime M. Gravel, surtout aux dépens de ses concurrents japonais. Les ventes de ce constructeur coréen ont d'ailleurs grimpé de 15% l'an dernier, et celles de sa marque soeur Kia ont augmenté de 18%.

«Ça n'a jamais été aussi intéressant à suivre», estime Michel Crépault, éditeur de L'annuel de l'automobile.

Toyota se redressera-t-il?

Selon ce journaliste spécialisé, Toyota a tous les atouts pour reprendre le terrain perdu, à commencer par des voitures de qualité. Mais selon lui, les dirigeants du constructeur devront démontrer davantage d'humilité dans la foulée de la crise.

«Les gens de GM ont fait leur mea-culpa, dit-il. Ils ont relevé de mauvaises habitudes et ils ont fait le ménage. Il y a assurément quelque chose qui s'est passé chez Toyota, mais vont-ils avoir l'humilité de faire ce qu'il faut?»

Malgré tout, Toyota conserve un atout de taille: la confiance des consommateurs que le constructeur a patiemment acquise au fil des ans.

«Toyota a un bassin d'acheteurs parmi les plus loyaux de l'industrie, indique le professeur Yan Cimon. En allant chercher ces gens, en misant sur la marque et sur les efforts déployés après la crise, on va être capables d'aller chercher du terrain perdu. Ce n'est pas gagné.»