Les enquêteurs en sécurité automobile de Transports Canada ont-ils été bernés par Toyota jusqu'à récemment, en ce qui concerne le risque de blocage de la pédale d'accélérateur dans ces véhicules?

La question circule dans le milieu de l'automobile au Canada, pendant qu'aux États-Unis et au Japon, les autorités accentuent leur critique de Toyota et de sa gestion des plaintes de ses clients, qui a dégénéré en rappel massif de millions de véhicules à l'échelle mondiale.

Chez Transports Canada, entre-temps, on refusait de commenter le fait que le Ministère avait publié, il y a deux mois à peine, un communiqué de félicitations envers Toyota pour sa gestion des plaintes d'automobilistes à propos du blocage de la pédale d'accélérateur.

Ce communiqué a été publié le 26 novembre 2009. Il traitait surtout du problème de tapis superposés qui pouvaient nuire au fonctionnement de la pédale d'accélération dans certains véhicules.

Mais aussi, Transports Canada félicitait Toyota de lancer «une campagne d'amélioration de la sécurité» en promettant de modifier la conception future des pédales d'accélération.

Or, deux mois plus tard, cette appréciation de Transports Canada envers Toyota s'avère gravement incomplète, sinon trompeuse.

Au ministère fédéral des Transports et au cabinet du ministre John Baird, les requêtes à ce sujet étaient toujours sans réponses, en fin de journée hier.

Tout au plus un bref communiqué ministériel publié en soirée suggère-t-il aux clients de Toyota «de faire réparer leur véhicule le plus vite possible».

Mais selon George Iny, directeur général de l'Association de protection des automobiles (APA), Transports Canada aurait de bonnes raisons d'être gêné par la situation.

«Ce communiqué publié il y a quelques semaines à peine démontre comment Toyota a pu déjouer Transports Canada, en se servant de l'usage de tapis autres que ceux vendus par ses concessionnaires comme un prétexte pour éviter d'enquêter plus à fond sur le risque de blocage de la pédale d'accélérateur», a commenté M. Iny,

«Et maintenant, ça s'avère un véritable et grave problème dans des milliers de véhicules en circulation, et envers lequel Toyota et ses concessionnaires ont trop tardé à réagir avant que ça n'éclate au grand jour», a commenté M. Iny.

«Et même là, Toyota se dépêche de corriger une faille identifiée dans le mécanisme de pédale d'accélérateur. Mais il ne s'agit peut-être pas d'une solution finale, car le contrôleur électronique de l'accélérateur demeure encore sous haute suspicion de l'avis des autorités américaines.»

De fait, aux États-Unis et au Japon, les autorités en sécurité automobile ont encore accentué hier leurs pressions sur Toyota et sa gestion jugée trop laxiste des plaintes d'automobilistes.

Au Japon, le gouvernement a demandé formellement à Toyota d'enquêter sur l'accumulation de plaintes concernant le système de freinage des voitures Prius, le véhicule à propulsion hybride (essence-électrique) le plus populaire au monde, en particulier sur les routes nippones.

Mais c'est de Washington que Toyota a reçu hier la salve la plus cinglante des derniers jours, de la part du secrétaire américain aux Transports, Ray LaHood.

Il a déclaré devant un comité du Congrès que les propriétaires de véhicules Toyota ciblés par le rappel devaient «cesser de les conduire et les amener immédiatement chez le concessionnaire».

Peu après, en point de presse, le secrétaire Ray LaHood a tempéré ses propos en soutenant qu'il ne voulait que signifier qu'en cas de «moindre doute», les usagers de véhicules Toyota devaient s'adresser sans tarder à un concessionnaire.

La direction de Toyota aux États-Unis a vite acquiescé aux propos corrigés de M. LaHood. Mais ce fut après qu'ils eurent provoqué un recul additionnel de 7% des actions de Toyota Motors, à la Bourse de New York.

Au Canada, pendant ce temps, les préparatifs pour réparer des dizaines de milliers de véhicules sont en branle chez Toyota et son réseau de concessionnaires.

Ces derniers s'attendent d'ailleurs à recevoir aujourd'hui les premiers lots de pièces pour les réparations qui doivent s'amorcer au début de la semaine prochaine.

Entre-temps, les clients de Toyota dont le véhicule est ciblé par le rappel devraient recevoir un avis de convocation chez leur concessionnaire.

«Ils devraient prévoir une à deux heures pour faire tout le processus d'inspection et de réparation. Nous avons déjà les directives de Toyota et nous avons formé des équipes d'employés dédiés à la gestion de ce rappel», a indiqué Robert Barba, directeur de Park Avenue Toyota, sur la Rive-Sud.