Le Salon International de l'auto de Montréal s'ouvre aujourd'hui dans un contexte morose. Contrairement aux marchés boursiers, où la reprise est déjà bien amorcée, l'industrie automobile continue de patauger dans les difficultés. Et malgré quelques lueurs d'espoir, 2010 s'annonce encore laborieuse.

Oubliez la reprise spectaculaire et le retour aux belles années. Dans le monde de l'auto, la prudence est de mise. Même que 2010 devrait encore amener son lot de fermetures d'usines et de mises à pied au Canada, de l'avis même de Mark Nantais, président de l'Association canadienne des constructeurs de véhicules.

«Vous allez encore voir cette restructuration en profondeur qui a été entamée par certaines entreprises. Il va encore y avoir des fermetures d'usines, tant au Canada que dans l'ensemble de l'Amérique du Nord», a prédit hier M. Nantais à La Presse Affaires en marge du lancement officiel du Salon International de l'auto de Montréal.

M. Nantais est clair: 2010 sera moins catastrophique que 2009, une année marquée par un vif recul des ventes et par le fait que GM et Chrysler se soient placées sous la loi de la protection contre les créanciers.

«Je ne crois pas que les ventes vont revenir aux niveaux d'avant 2008 avant une très, très longue période, a toutefois affirmé M. Nantais. Le marché est mature et il y a encore une surcapacité de production, particulièrement si les gens n'achètent pas davantage de véhicules.»

C'est un peu le sentiment qui régnait hier au Salon de l'auto de Montréal. Si tout le monde est soulagé de voir le pire s'éloigner dans le rétroviseur, on ne sait pas trop ce qui se cache dans le prochain virage.

«Après l'année qu'on vient de vivre, les prédictions sont un peu difficiles», lance Daniel Labre, directeur des communications de Chrysler Canada. Le constructeur sort d'une année extrêmement pénible au cours de laquelle ses ventes se sont effondrées de 26,7% au pays.

Les chiffres sont toutefois pires que la réalité, croit M. Labre. L'homme explique que quand Chrysler s'est protégée de ses créanciers, au début de l'été, les concessionnaires canadiens se sont retrouvés en rupture de stock pendant quelques mois.

«Les mois où on avait de l'inventaire, on a beaucoup mieux performé», explique M. Labre, qui s'attend à des ventes stables pour la première moitié d'année, suivies d'une croissance modeste pas la suite.

D'autres se permettent d'être plus optimistes. C'est le cas de Ford, qui a extrêmement bien fait avec des ventes en hausse de 6,8% au Canada alors que l'industrie glissait de plus de 16%.

«On a bien l'intention de poursuivre sur notre lancée. On veut gagner des parts de marché», dit Christine Hollander, directrice des communications de Ford Canada, sans toutefois vouloir chiffrer ses objectifs.

L'entreprise se félicite d'être allé chercher des modèles européens plus petits et moins énergivores pour les commercialiser en Amérique du Nord - une stratégie qu'elle poursuivra cette année en lançant par exemple la Fiesta en sol américain.

«Ford récolte le fruit d'un travail patient», approuve Christian Navarre, spécialiste de l'industrie automobile à l'Université d'Ottawa, qui voit aussi de bonnes choses pour le constructeur - une rare lueur d'espoir dans une année 2010 qu'il prédit «médiocre».

«La crise perdure et est vraiment profonde. L'accès au crédit demeure difficile pour les ménages américains», note l'expert.

Quand Hyundai profite de la crise

L'une des surprises de l'année dernière est certainement Toyota, «ce constructeur qui paraissait téflon et qui, finalement, souffre comme tout le monde», dit M. Navarre.

Toyota a vu ses ventes chuter de 9,5% l'an dernier au pays. Au stand de l'entreprise, Jean-Pierre Gagnon, directeur régional pour le Québec, refuse toutefois de baisser les bras. Il veut faire grimper ses ventes de 57 000 à 63 000 unités au Québec - une hausse de 10%, la même qu'on prévoit pour l'ensemble du Canada.

«À cause des difficultés qu'on a connues aux États-Unis, on a eu des difficultés d'approvisionnement l'an dernier», dit M. Gagnon, qui note toutefois un regain d'intérêt des consommateurs en fin d'année.

«On est très optimistes, mais il faut rester prudent. On va suivre le marché», poursuit M. Gagnon.

En fait, si vous voulez vraiment voir des gens qui pètent le feu au Salon de l'auto de Montréal, il faut aller voir du côté d'Hyundai.

«Nous, on profite de la crise!» lance Stephen Kelleher, président et chef de la direction de Hyundai Canada. Difficile de le contredire: les ventes canadiennes de Hyundai ont bondi de 28% l'an dernier.

«Passer une crise aussi profonde de façon aussi brillante, c'est assez remarquable», note d'ailleurs l'expert Christian Navarre, qui explique que Hyundai est enfin parvenue à accoucher de véhicules de qualité et les a mis sur le marché à bon prix au moment même où le budget des consommateurs fondait comme neige au soleil.

«La récession nous a aidés, dit M. Kelleher. De la même façon qu'elle a aidé Toyota et Honda au début des années 80.»

 

CONSTRUCTEURS

LES GAGNANTS ET LES PERDANTS EN 2009

PARTS DE MARCHÉ AU CANADA / PROGRESSION DES VENTES AU CANADA

General Motors 17,2%/-29,1%

Ford 15,4%/ "6,8%

Toyota 13%/ -9,5%

Chrysler 11,1%/ -26,7%

Honda 8,4%/ -19,1%

Hyundai 7,1%/"28%

Mazda 5%/ -13,3%

Nissan 4,9%/ -4,5%

Ensemble de l'industrie voitures -16,4%

Ensemble de l'industrie camionnettes -3,8%

Source: Desrosiers Automotive Consultants