L'histoire d'Opel s'intègre dans celle de l'Allemagne depuis la fin du XIXe siècle, ce qui inclut évidemment un chapitre sur les nazis. Et son rachat annoncé par la canadienne Magna, aidée par des fonds russes, provoque des interrogations en Europe.

La relation entre General Motors et Opel semble marquée par les crises. C'est celle de 1929 qui permet à GM de mettre la main sur 80% du constructeur automobile, qui domine alors le marché allemand, pour un peu moins de 26 millions de dollars.

Quatre-vingts ans plus tard, une autre crise force le constructeur de Detroit à se départir de 65% d'Opel. Un consortium formé de l'ontarienne Magna et de financiers russes se partagera 55% du total, contre 10% aux employés.

Fondée en 1862, Opel fabrique d'abord des machines à coudre et des bicyclettes. Ce n'est qu'en 1898 qu'Opel se lance dans la construction de voitures. Dans les années 30, alors qu'Hitler amorce sa domination de l'Allemagne, Opel détient près de 40% du marché automobile local.

En 1939, quand l'Allemagne envahit la Pologne, Opel construit le camion Blitz, utilisé par les nazis. «La plupart des ventes allaient au secteur militaire, souligne à Bloomberg l'auteur américain Edwin Black, qui a documenté les liens entre GM et le régime hitlérien. Ils ont fait partie de la machine de guerre nazie.»

Après la guerre, la production de voitures ne reprend son rythme qu'au début des années 50. Le modèle Kadett devient la solution de rechange à la Coccinelle de Volkswagen.

Mais VW réagit en lançant une autre voiture connue de ce côté-ci de l'Atlantique, la Golf, un coup très dur pour Opel qui s'en remet difficilement.

L'an dernier, Opel se retrouvait au quatrième rang des constructeurs de voitures en Allemagne, avec seulement 8% du marché. Le constructeur fait tout de même travailler 50 000 personnes en Europe, dont près de 26 000 dans son Allemagne natale.

Rififi politique

C'est sans doute ce dernier chiffre qui a poussé la chancelière allemande, Angela Merkel, à s'engager dans les négociations pour assurer la survie d'Opel et cela, à quatre mois des élections fédérales.

Le gouvernement allemand a allongé un crédit-relais de 1,5 milliard d'euros pour assurer la transition entre l'actuelle Opel et celle dont héritera le groupe formé par Magna.

«Les salariés le méritent, a-t-elle dit, car ils ne sont pas responsables de la situation, qui est le résultat d'une gestion catastrophique de GM aux États-Unis.»

Peut-être, mais son jeune ministre de l'Économie, Karl-Theodor zu Guttenberg, 37 ans, a quand même exprimé publiquement ses réticences aussi tard que samedi. «La menace, c'est qu'on fasse chanter l'État si nous sommes trop généreux avec l'aide publique», a-t-il dit, allant même jusqu'à offrir sa démission.

Dans le reste de l'Europe aussi, l'entente crée des remous. D'abord en Italie, où plusieurs auraient aimé que Fiat puisse mettre la main sur Opel. Mais aussi dans les anciens pays communistes, en raison des liens économiques accrus entre l'Allemagne et la Russie. «Ça va créer de l'inquiétude en Europe de l'Est concernant l'Allemagne et la Russie, sur les raisons pour lesquelles la plus importante économie européenne s'est liée à d'étranges magnats russes pour faire plaisir au Kremlin», analyse Fredrik Erixon, du Centre européen pour l'économie politique internationale (ECIPE).

Pour Magna, la réponse à cette critique se trouve sans doute dans le potentiel du marché automobile russe. Après des ventes records de 2,9 millions de véhicules l'an dernier, celles-ci doivent baisser de 20% cette année. N'empêche, le potentiel de croissance demeure important, les Russes possédant 200 voitures pour 1000 habitants, soit deux fois moins qu'en Europe de l'Ouest.

- Avec Bloomberg et AFP