Le Canada ne pouvait faire autrement que d'aider GM (gm) s'il voulait sauver des centaines de milliers d'emplois au pays, a fait valoir le premier ministre Stephen Harper, hier, visiblement mal à l'aise d'avoir à défendre une telle incursion de son gouvernement dans le privé.

En conférence de presse à Toronto, le chef conservateur a convenu que la décision avait été difficile à prendre, et particulièrement dure à avaler pour certains membres de son entourage. Mais laisser filer GM, «de loin le plus grand consommateur de pièces d'auto au Canada», ou même Chrysler, aurait eu des conséquences «larges et incalculables», a-t-il dit.«Les pertes d'emplois atteindraient les six chiffres très rapidement, en quelques mois. Et ce n'est tout simplement pas possible pour notre économie.»

Ottawa s'est engagé à verser 7 milliards de dollars et l'Ontario, 3,5 milliards au géant automobile américain pour lui permettre d'émerger de sa faillite déclenchée à New York, hier.

En échange, les Canadiens obtiendront 11,7% des parts de l'entreprise. L'entente prévoit aussi que GM Canada recevra 16% de la production nord-américaine de la compagnie jusqu'à 2016.

Le premier ministre Harper a promis de vendre ses parts le plus rapidement possible. «Nous n'avons pas l'intention d'être propriétaires à long terme, a-t-il dit. Nous vendrons nos actifs quand le prix sera favorable.»

Le gouvernement canadien souhaite se désengager de GM au plus tard en 2018. M. Harper a toutefois convenu qu'il était possible qu'Ottawa soit contrainte de vendre ses parts à un prix moindre que les 7,1 milliards payés à l'achat.

Réticences au Parlement

Seule la portion américaine de General Motors s'est placée sous la protection de la loi sur la faillite, hier. Sa filiale canadienne a été épargnée.

Le président des Travailleurs canadiens de l'automobile, Ken Lewenza, s'attend néanmoins à ce que des usines du pays suspendent leurs activités pendant le processus judiciaire.

Les gouvernements américain et canadien souhaitent que GM puisse émerger de cs processus d'ici deux à trois mois.

À Ottawa, les partis de l'opposition ont exprimé leurs réticences face à l'annonce commune des gouvernements ontarien, canadien et américain.

Le député libéral ontarien Francis Valeriote a critiqué l'absence de certaines garanties dans l'entente, comme le nombre d'emplois qui seront réellement préservés au Canada.

«Nous devrions considérer d'avoir un vérificateur indépendant qui examine cette entente, a-t-il ajouté. Je ne suis pas convaincu de sa prudence corporative et fiscale.»

Au cours d'une séance d'information technique, des fonctionnaires fédéraux ont convenu qu'Ottawa pourrait perdre son investissement si la relance du constructeur automobile échouait. «Il n'y a pas de garanties», a dit l'un d'eux.

Mais lors d'un point de presse commun avec le premier ministre ontarien Dalton McGuinty, Stephen Harper a tenté de se faire rassurant. «Nous ne mettons pas d'argent dans une compagnie si nous croyons qu'elle échouera», a-t-il tranché, promettant du coup de ne pas répéter l'expérience avec GM.

Deux poids, deux mesures?

Le Bloc québécois a parlé de deux poids, deux mesures par rapport au secteur forestier. «Si c'est 10 milliards dans l'automobile, ce n'est que 170 millions dans le forestier, plus le 100 millions à la sylviculture sur deux ans, a lancé Gilles Duceppe. Vous voyez la disproportion, alors qu'il y a davantage d'emplois directs et indirects dans le forestier.»

Le chef du NPD, Jack Layton, a quant à lui applaudi l'assistance portée aux travailleurs. Selon lui, cependant, le gouvernement devrait en faire davantage.

«Ce sont de bonnes nouvelles, mais on cherche encore une politique globale pancanadienne concernant les autos, pour la production d'autos vertes, par exemple. On a une politique aux États-Unis, mais on n'a pas une vision pour le secteur ici au Canada.»