Le patron de Fiat, Sergio Marchionne, artisan de l'alliance avec Chrysler, est un dirigeant atypique qui a réussi à redresser l'entreprise phare de l'Italie et entend désormais lui faire jouer un rôle de premier plan dans la refonte du secteur automobile.

«Méthode Marchionne», «Révolution Marchionne»: peu connu en 2004 lors de son arrivée à la tête d'une entreprise mythique au bord du gouffre, le manager a conquis politiques - en particulier une gauche admirative qu'il ait sauvé le groupe sans suppressions massives d'emplois - médias et syndicalistes. Tous fascinés par son pragmatisme et sa capacité à surprendre.

Cet Italo-canadien, qui s'est rendu à de nombreuses reprises aux Etats-Unis pour négocier l'alliance annoncée jeudi, pourrait même prendre les commandes du constructeur américain, comme il l'avait indiqué dans un entretien au quotidien canadien Globe and Mail.

«Fondamentalement, c'est possible, mais le titre n'est pas important. Ce qui est important, c'est qu'ils m'écoutent» au sein de Chrysler, avait-il confié.

Son premier coup d'éclat, Sergio Marchionne le réalise début 2005 quand il arrache, au terme d'une partie de poker menteur, un chèque de 1,55 milliard d'euros à l'américain General Motors. En contrepartie, il renonce à sa menace de l'obliger à acheter la branche automobile de Fiat, dans un état moribond, comme le prévoyait un accord.

Réduction de coûts, lancement de nouveaux modèles, attention particulière portée au design: la même année, le groupe sort du rouge après quatre ans de pertes.

Novembre 2006 : le patron, grand et visage rond, se présente en pull devant un parterre d'analystes internationaux à qui il fait écouter ses morceaux de musique préférés («Don't worry, be happy», de Bobby McFerrin).

Du jamais vu en Italie. Le lendemain, le pull du patron de Fiat, fait la Une de la presse.

Mais derrière sa tenue décontractée se cache un patron implacable qui, dès son arrivée aux commandes, renvoie des dizaines de hiérarques, coupe dans les échelons et met en avant une équipe de jeunes dirigeants à la tête des principales marques du groupe, Fiat, Alfa Romeo et Lancia.

«J'évalue en continu mes collaborateurs, je leur donne des notes et je leur dis attention: à celui qui s'asseoit, je lui retire la chaise», raconte-t-il.

Levé à 05H30, surnommé Blackberry, il n'hésite pas à imposer des cadences infernales à ses équipes pour prendre de vitesse la concurrence, comme lorsqu'il décide d'avancer de trois mois le lancement de la nouvelle Fiat 500 en 2007.

Et dès le début de la crise, il ne perd pas une minute pour s'adapter.

Alors qu'il ne jurait que par les «alliances ciblées», nouées au cas par cas depuis le divorce avec GM, M. Marchionne claironne début décembre qu'un choix s'impose: grossir ou mourir.

A peine un mois plus tard, le groupe annonce son projet d'alliance avec Chrysler et affirme que ce n'est qu'un premier pas.

Le groupe s'intéresse désormais à l'allemand Opel et la presse italienne évoque aussi régulièrement l'hypothèse d'un mariage avec le français PSA.

Né en 1952 en Italie, M. Marchionne a grandi au Canada et a la double nationalité. Après avoir étudié le droit et le management au Canada, il débuté sa carrière comme spécialiste fiscal pour Deloitte and Touche.

Avant de rejoindre Fiat, il a été directeur général du groupe suisse SGS, numéro un mondial de la certification, dont il est toujours président. Il est également vice-président non exécutif de la banque suisse UBS.

Marié et père de deux filles, il vit entre l'Italie et la Suisse.