Une production québécoise du cannabis entraînerait des retombées économiques de l'ordre de 500 à 700 millions $ par année, évalue l'Union des producteurs agricoles (UPA), qui souhaite l'appui du gouvernement.

«Je l'ai dit à M. (le premier ministre Philippe) Couillard, il y a un potentiel économique pour nous, a déclaré le président de l'UPA, Marcel Groleau, en marge du Sommet sur l'alimentation, vendredi. On sait maintenant qu'à partir du mois de juillet ce sera légal au Canada, donc ça prend un signal clair aux producteurs qui voudront investir dans ce domaine-là.

«On ne veut pas que le train nous passe sous le nez», a-t-il ajouté.

L'UPA croit que le gouvernement doit se servir de ses surplus d'hydroélectricité pour offrir au secteur serricole des tarifs privilégiés.

Ainsi avantagé, le Québec a le potentiel de produire du cannabis pour exporter dans le reste du Canada et à l'international, selon M. Groleau.

«On sait que la tendance à la décriminalisation de la marijuana, c'est quelque chose qui va se poursuivre ailleurs également. Si on a une expertise, on a des coûts d'énergie abordables, on a un secteur performant, on fait de la recherche et du développement, on peut très bien occuper ce marché-là», a-t-il poursuivi.

L'Ontario compte 38 producteurs de cannabis, tandis que le Québec en a deux.

En mêlée de presse, le premier ministre Couillard a vite tempéré les ardeurs. «Entendons-nous, on ne fera pas de politique particulière pour la culture du cannabis», a-t-il dit, en ajoutant ne pas avoir «demandé d'avoir ça dans (son) mandat».

«Ça ne faisait pas partie de mes grandes priorités», a-t-il ajouté.

Le gouvernement Couillard a déposé, jeudi, son projet de loi pour encadrer la légalisation du cannabis. La drogue sera vendue par une nouvelle filiale spécialisée de la Société des alcools du Québec (SAQ), il sera interdit d'en faire pousser chez soi et ce sera tolérance zéro en matière de conduite automobile.

Mais rien, pour l'instant, sur la production en serre du cannabis. Il est même impossible de dire si la substance sera considérée comme une denrée agricole, a indiqué le ministre de l'Agriculture, Laurent Lessard, en entrevue vendredi.

«Pour l'instant, le statut juridique n'est pas clair. Il est produit actuellement sous une législation fédérale et actuellement on est en analyse pour éclaircir la juridiction de cette production-là», a-t-il dit, tout en précisant vouloir faire de la production locale.

Politique bioalimentaire

Le Québec se dotera d'ailleurs d'une politique bioalimentaire «ambitieuse» au printemps, a confirmé le premier ministre Couillard.

Le chef du gouvernement participait, vendredi, au Sommet sur l'alimentation, qui sert à convenir des fondements de cette politique.

Les 200 participants étaient invités à réfléchir sur les façons de répondre aux attentes des consommateurs à l'égard de la santé et de l'environnement, d'accroître les activités des secteurs de production, de capture et de transformation alimentaire, et d'augmenter la présence du Québec sur les marchés du Canada et de l'étranger.

«Cette politique sera une pièce importante dans le plan économique du Québec, a déclaré M. Couillard. Il faut rappeler à la population du Québec que oui, on fait des avions chez nous, on exporte de l'aluminium, mais notre secteur bioagroalimentaire demeure un de nos secteurs économiques les plus importants et notamment, dans nos exportations.»

Les cibles seront atteintes seulement si le gouvernement accepte d'injecter au moins 250 millions $ sur cinq ans pour aider l'industrie à se moderniser, a averti M. Groleau.

Le Québec doit innover et se tourner vers l'avenir en répondant notamment aux besoins des «milléniaux» (âgés entre 11 à 33 ans), qui composent le quart de sa population.

Selon M. Lessard, cette génération privilégie les mets «éthiques et ethniques». Elle recherche de la transparence et veut acheter des produits d'entreprises engagées socialement.

Somme toute, les Québécois préfèrent la viande blanche et les légumes frais au boeuf, au porc et aux légumes en conserve, le vin à la bière. Lorsqu'ils en boivent, les Québécois se tournent vers la bière artisanale, a relaté M. Lessard. Ils cherchent essentiellement à consommer moins de gras et de sucres.

Vendredi, des manifestants du groupe Vigilance OGM ont réclamé la mise en place de l'étiquetage obligatoire des organismes génétiquement modifiés (OGM).

Des militants ont distribué des canapés au saumon aux participants qui avaient le choix entre du saumon garanti non-OGM et d'autres non identifiés tels que retrouvés au Québec.

Le ministre Lessard a indiqué que les entreprises qui le désirent peuvent recevoir la certification «sans OGM», mais celle-ci n'est pas obligatoire.

Pour sa part, le porte-parole du Parti québécois (PQ) en matière d'agriculture, André Villeneuve, se désole du fait que le Québec importe toujours 85 pour cent de ses légumes. «Ce n'est pas normal, a-t-il affirmé. Le premier ministre tantôt disait: On s'en va en Chine développer nos marchés, parfait, mais il faudrait peut-être regarder ce qu'on a dans notre cour!»

«Après près de 15 ans au pouvoir, le gouvernement libéral n'a toujours aucun plan en matière d'agriculture et d'alimentation», a conclu la députée Sylvie D'Amours, de la Coalition avenir Québec (CAQ).

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Industrie bioalimentaire du Québec en chiffres:

- 8 pour cent du PIB de l'économie

- 10 pour cent des exportations

- 12 pour cent de l'emploi total

- le Québec possède 5 pour cent des terres cultivables au pays

- 38 pour cent des recettes du marché proviennent des productions sous gestion de l'offre

- le consommateur moyen consacrait 13,5 pour cent de ses dépenses aux aliments et boissons en 2015