Le traité de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne (UE) n'entraînera pas de «perturbations significatives» pour l'industrie laitière et fromagère, estime le gouvernement fédéral.

L'entrée en vigueur de l'accord aura certes un impact sur la croissance dans le secteur, mais elle ne se traduira pas par des pertes, selon des hauts fonctionnaires du ministère des Affaires mondiales.

«Nous ne nous attendons pas à ce qu'il y ait des perturbations significatives dans le secteur laitier canadien», a résumé l'un d'entre eux en séance d'information technique, mercredi.

En vertu de l'Accord économique commercial et global (AECG), le Canada ouvrira ses frontières à 17 700 tonnes supplémentaires de fromages européens, dont 16 000 tonnes de fromages fins.

Le gouvernement a promis d'accompagner l'industrie dans cette transition. La ministre du Commerce international, Chrystia Freeland, a affirmé en début de semaine qu'un plan serait bientôt annoncé.

Avec un programme d'indemnisation, les producteurs et les transformateurs pourront «concurrencer de manière plus efficace», a fait valoir un haut fonctionnaire fédéral.

Il a par ailleurs affirmé que les 17 700 tonnes de fromages outre-Atlantique représentaient une part de marché somme toute modeste de quatre pour cent.

Il s'agit d'une proportion «relativement limitée, surtout dans le secteur fromager, où l'on a observé une croissance soutenue depuis plusieurs années», a plaidé le haut fonctionnaire.

Cette façon de présenter les choses est trompeuse, selon Daniel-Mercier Gouin, professeur d'agroéconomie à l'Université Laval.

«On dit que c'est quatre pour cent du marché canadien des fromages, mais ce n'est pas de ça qu'il est question. Il est question du marché des fromages fins», a-t-il dit en entrevue.

«Et ces produits-là qui vont rentrer, ce n'est pas pour prendre la place du cheddar ou du mozzarella à pizza», a illustré M. Gouin.

Ce marché est particulièrement florissant au Québec, où sont produits 60 pour cent des fromages de spécialité au pays, et il a enregistré une croissance impressionnante au cours des dernières années.

Mais cette croissance «ne vient pas de nulle part»: elle s'explique par des investissements de «dizaines de millions de dollars en promotion chaque année» qui ont permis de développer «un plateau de fromages exceptionnel», soutient-on aux Producteurs de lait du Québec.

«Qu'on ait signé l'accord Canada-Europe ou pas, cette croissance-là, on l'aurait eue», a insisté le porte-parole de l'organisation, François Dumontier, balayant du revers de la main l'argument qu'une baisse de croissance va effacer l'impact de l'entrée de ce tonnage de fromage.

«17 700 tonnes de fromage, ça représente 150 millions de ventes de lait pour nous, et ce sera toujours ça. C'est une perte permanente», a-t-il exposé.

L'AECG a été signé dimanche dernier à Bruxelles, en Belgique. Il doit maintenant être ratifié par le Parlement canadien et par le Parlement européen.

Le gouvernement libéral a déposé lundi dernier un projet de loi portant sur la mise en oeuvre de l'AECG, dans l'espoir de le faire adopter au début de l'année prochaine.

Chez les Européens, l'accord sera soumis à un vote en décembre ou en janvier. La configuration actuelle du Parlement - les eurodéputés du Groupe du Parti populaire européen, favorables à l'AECG, y sont majoritaires - laisse entrevoir que le traité sera ratifié.

Le feu vert du Canada et de l'UE permettra l'entrée en vigueur provisoire de l'entente, soit d'environ 98 pour cent de ses clauses, selon ce qu'a affirmé dimanche dernier le premier ministre Justin Trudeau.

L'AECG doit ensuite être approuvé par l'ensemble des 38 Parlements des États et régions de l'UE.

Dans l'éventualité où un État membre ou une région ne ratifiait jamais l'accord, sa version provisoire «pourrait continuer à s'appliquer indéfiniment», selon les hauts fonctionnaires chez Affaires mondiales Canada.