La pluie s'est faite rare cet été dans le sud du Québec : les précipitations ont été dans bien des secteurs inférieures de 50 % à la normale. La sécheresse qui en a résulté commence à inquiéter de nombreux agriculteurs céréaliers, qui craignent pour leur production de maïs et de soya. La Presse fait le point.

Stéphane Bisaillon n'en est pas rendu à faire la danse de la pluie devant sa ferme, mais il commence à s'inquiéter pour ses plants de maïs et de soya. «On perd du rendement à tous les jours sans pluie», dit cet agriculteur de cinquième génération de Saint-Jacques-le-Mineur, pas très loin de la frontière américaine, en Montérégie. «Il n'est pas trop tard, mais ça commence à être alarmant.»

Pas besoin de s'avancer très loin dans les champs de 2600 acres qu'il exploite avec son père et son frère pour trouver des plants de maïs-grain dont la partie inférieure est jaunie et desséchée et dont les feuilles sont enroulées sur elles-mêmes comme des cigares, des signes évidents du stress causé par le manque d'eau.

Les épis que portent ces plants, une fois épluchés, révèlent que de 15 à 20% de ces grains destinés à l'alimentation animale ne parviendront pas à maturité. «C'est le plant qui nous dit qu'il n'a plus la capacité de faire croître l'épi», explique M. Bisaillon.

Les dommages aux plants de soya sont un peu moins évidents à l'oeil nu, mais le préoccupent encore davantage. «On est en plein dans la période où les gousses se remplissent, explique-t-il. S'il n'y a pas d'eau, chaque fève va avorter un ou deux grains.»

Récolte à risque

M. Bisaillon n'est pas le seul à se faire du mauvais sang. Les producteurs de maïs et de soya du sud-ouest du Québec croisent les doigts pour que la pluie annoncée pour le week-end se matérialise, sans quoi la récolte 2016 pourrait être lourdement affectée. Environnement Canada prévoit entre 30 et 75 mm de pluie dans le sud de la province d'ici lundi prochain.

«Si on reçoit ces précipitations, nos craintes seront dissipées. Mais si on en reçoit moins, le problème deviendra significatif», dit Ramzy Yelda, analyste principal des marchés chez Producteurs de grains du Québec. 

«Le temps chaud et le soleil ne seraient pas négatifs si on avait eu de la pluie. Mais le fait est que le temps s'est pas mal asséché au cours des dernières semaines».

La sécheresse est bien réelle, confirme Robert Michaud, météorologue à Environnement Canada. «Depuis trois mois, tout l'est de l'Ontario et le sud-ouest du Québec sont en déficit de précipitations de 25 à 50%, voire de 75%», note-t-il. Or, la Montérégie, particulièrement touchée, représente cette année 61% des superficies ensemencées en maïs-grain au Québec, et 45% des superficies en soya.

Les terres plus sablonneuses, qui retiennent moins l'eau que celles de nature plus argileuse, sont les plus touchées, explique Alain Beaudry, producteur céréalier de Saint-Valérien-de-Milton, près de Saint-Hyacinthe. «Pour ces terres-là, ça prend de l'eau rapidement, dit-il. On n'est pas en panique, mais on est inquiets.»

Quoi qu'il arrive, la production 2016 de maïs-grain n'égalera pas les rendements de la saison précédente, selon M. Yelda. «C'est clair dans l'esprit de tout le monde qu'on n'aura pas un scénario record comme l'an dernier.» Le Québec avait connu une saison parfaite en 2015, avec des rendements inédits pour le maïs-grain (10,3 tonnes/hectare, nettement plus que le record précédent de 9,3 t/ha) et le soya (3,2 t/ha, alors que la marque antérieure était de 3,1 t/ha).

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Sec dans le sudDans le sud du Québec, les précipitations des trois derniers mois sont de 25 à 50 % inférieures aux normales. Mais au cours des 30 derniers jours, ce « déficit » grimpe à 75 % dans certains secteurs, notamment dans la vallée de l'Outaouais, note Robert Michaud, météorologue à Environnement Canada. « Seulement des traces de pluie sont tombées à la station météorologique de l'aéroport Montréal-Trudeau depuis le début du mois d'août, dit-il. Le mois de juillet n'était guère plus arrosé avec 74 mm pour tout le mois comparativement à une normale de 91 mm. Et c'était souvent des orages très localisés. »

Un répit le week-end prochain ?

Les producteurs céréaliers pousseront un soupir de soulagement le week-end prochain si les prévisions d'Environnement Canada se concrétisent. Les météorologues anticipent que de 50 à 75 mm de pluie pourraient tomber dans un couloir traversant le sud du Québec d'ouest en est. La Montérégie pourrait toutefois en recevoir un peu moins (30-40 mm).

En chiffres

5 millions de tonnes: production moyenne de grains/année au Québec 

86 %: proportion du maïs-grain et du soya sur la production totale de grains au Québec (en 2015)

Moins graves pour les maraîchers

Les grands producteurs maraîchers sont moins affectés par les faibles précipitations. Contrairement aux producteurs de grains, pour qui ce serait trop onéreux en raison des vastes superficies de leurs terres, ils peuvent habituellement compenser la sécheresse ponctuelle par l'irrigation, note le président de l'Association des producteurs maraîchers du Québec, Sylvain Terrault. C'est le cas par exemple de Mario Beauregard, à Sainte-Madeleine, qui compte sur deux étangs artificiels sur ses terres, alimentés par un ruisseau. « À l'intérieur de certaines limites, j'aime mieux gérer le manque d'eau que le surplus ! », dit-il.