Monsanto, spécialiste des OGM et fabricant de l'herbicide controversé Roundup, a rejeté mardi l'offre de rachat de 62 milliards de dollars de son rival allemand Bayer mais a laissé la porte ouverte à un mariage avec une meilleure dot.

Le conseil d'administration a «unanimement jugé l'offre de Bayer AG incomplète et financièrement inappropriée mais reste ouvert à poursuivre des discussions constructives pour déterminer si une transaction dans l'intérêt des actionnaires de Monsanto est possible», a annoncé le groupe de Saint-Louis, considéré par ses détracteurs comme le symbole des dérives de l'agriculture.

«Nous croyons aux avantages substantiels d'une stratégie intégrée (...) et avons toujours respecté l'activité de Bayer», a souligné le PDG Hugh Grant. «Cependant la proposition actuelle sous-évalue de façon importante l'entreprise et n'apporte pas les garanties nécessaires pour le financement de l'opération ni pour les risques règlementaires encourus», a ajouté le dirigeant.

En résumé, Monsanto n'est pas opposé à un rapprochement visant à créer un géant mondial des pesticides, engrais et semences transgéniques mais voudrait que Bayer relève son prix actuellement de 122 dollars le titre.

Experts et investisseurs partagent également cet avis puisque le titre Monsanto gagnait 2,58% à 108,89 dollars vers 14h30 à Wall Street. Outre une meilleure offre de Bayer, les analystes n'excluent pas une contre-offre d'un autre groupe tel l'autre géant allemand BASF, numéro un mondial de l'agrochimie.

«Personne ne s'attend à ce que Monsanto accepte une offre qui n'est pas légèrement au-dessus de 130 dollars par titre», avance Jeffrey Stafford, analyste chez Morningstar. Pour saisir «l'opportunité de (s)a vie», Bayer doit nettement relever son prix, renchérit Jeffrey Holford chez Jefferies.

Inonder l'UE d'OGM ?

L'agence de notation Moody's a toutefois mis en garde le groupe allemand, en annonçant qu'elle pourrait abaisser sa note de solvabilité puisque le montage financier de l'opération - 25% des 62 milliards de dollars se feront par le biais d'une émission de nouvelles actions - allait accroître la dette de l'entreprise et la porter à plus de quatre fois le montant de ses bénéfices annuels.

Monsanto possède d'autres cartes, dont l'une mènerait vers une fusion avec BASF, qui ne peut pas se permettre, selon les analystes, d'être simple observateur du mouvement de consolidation en cours de l'agrochimie mondiale.

La société chinoise ChemChina a mis la main récemment sur le suisse Syngenta tandis que les américains Dow Chemical et DuPont sont en train de peaufiner leur fusion. Cette course à la taille est due à la chute des prix des produits agricoles et à la forte dépréciation des monnaies de pays émergents qui affecte les exportations.

Outre le prix, le mariage Bayer-Monsanto pourrait se heurter à l'opposition des anti-OGM en Allemagne et à un veto des autorités de la concurrence américaine, qui ont fait capoter récemment des fusions de grande envergure tels les mariages envisagés entre les laboratoires Pfizer et Allergan et entre les groupes de services pétroliers Halliburton et Baker Hughes.

Bayer-Monsanto deviendrait en effet le numéro un mondial des semences transgéniques et des pesticides avec respectivement près de 30% et 24% de parts de marché, estime Greenpeace. Une telle domination pourrait entraîner des hausses de prix pour les agriculteurs qui les répercuteraient alors sur les consommateurs. Aux États-Unis, des parlementaires craignent une augmentation des prix du lait de soja puisque plus de 90% des semences transgéniques de cette culture seront fabriquées par le nouveau groupe.

Des militants écologistes redoutent, eux, que Bayer profite de ce mariage «pour inonder le marché européen d'OGM», avance Anne Isakowitsch, du lobby Sum of Us, qui vient de lancer une pétition contre ce rapprochement.

À défaut de se marier, Monsanto, qui a déjà prévenu que ses bénéfices allaient baisser dans les deux prochaines années, pourrait poursuivre sa transformation en un spécialiste des semences transgéniques focalisé sur les services aux agriculteurs à qui il propose une application pour les aider à faire des choix opérationnels.