On en parle depuis plus de 10 ans, mais la mise en place d'une loi obligeant les fabricants alimentaires à afficher la présence d'organismes génétiquement modifiés (OGM) au Vermont semble inspirer ses voisins. Au Québec, le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation (MAPAQ), Pierre Paradis, travaille sur un projet de loi qu'il veut élaborer en harmonie avec l'Ontario.

«Sur le plan de la réglementation, si on arrivait à uniformiser le Québec, le Vermont et l'Ontario, on aurait un bassin de consommateurs important et ça se répandrait rapidement dans tout le reste de l'Amérique», a expliqué le ministre Paradis, qui rencontre aujourd'hui son homologue ontarienne. Les OGM sont au menu. «On a débuté des pourparlers avec l'Ontario il y a un an et demi, précise Pierre Paradis. Au début, c'était difficile, mais on voit maintenant qu'ils l'écrivent eux-mêmes à l'ordre du jour [des rencontres]. Je ne tiens rien pour acquis, mais il y a des progrès à ce sujet du côté de l'Ontario.» 

Le ministre québécois a fait ses devoirs: il s'est rendu au Vermont afin d'en apprendre davantage sur les étapes qui ont mené à l'adoption de la loi. Et sur ce qui a suivi. «On a eu accès à toute leur documentation, aux résumés de leurs causes devant les tribunaux. C'est une alliance qui est naturelle, dit Pierre Paradis. Je pense que le Vermont était fier de nous voir arriver et nous, on était fiers de profiter de leur expérience.» 

Cela étant dit, Québec n'est pas prêt à annoncer la même mesure pour l'instant. Le ministre de l'Agriculture refuse de mettre un échéancier à ses intentions. «Le droit du consommateur de savoir est un droit qui n'est pas facile à inscrire dans un texte législatif, dit-il. On vient de terminer la loi sur le bien-être animal. Ç'a été, sur le plan législatif, tout un défi. L'autre loi va être un défi comparable. On tente d'arriver avec un produit fini qui, on l'espère, va recevoir le même appui de l'Assemblée nationale.» 

L'UPA est favorable 

L'Union des producteurs agricoles du Québec (UPA) est favorable à l'affichage obligatoire des OGM, à condition que ce soit bien fait. 

«On est favorables, mais ce qu'on voit présentement, c'est que l'industrie prend les devants», s'inquiète tout de même le président de l'UPA, Marcel Groleau. «On ne veut pas se retrouver dans une situation comparable à ce qui est arrivé lorsque les fabricants se sont mis à afficher "sans cholestérol" sur leurs produits. Ils voulaient jouer sur la phobie du cholestérol pour vendre des produits qui n'en contenaient pas de toute façon.» 

Le président de l'UPA estime qu'il y a encore beaucoup de fils à attacher avant que l'on impose l'affichage obligatoire. Sur le plan de la surveillance, notamment. «Nous voulons que les informations puissent être vérifiées, dit Marcel Groleau. Les produits bios sont certifiés grâce aux vérifications faites par des agences de certification neutres. Le virage sans OGM repose sur l'autovérification et la tolérance de chacun quant à la présence maximale tolérée dans le produit.» 

L'affichage obligatoire pourrait-il mener à une diminution de l'utilisation des OGM, dans les recettes des grands fabricants comme dans les champs des agriculteurs? 

«Oui, répond Marcel Groleau. Les compagnies vont aller vers des produits qui plairont aux consommateurs. Et en agriculture, c'est déjà le cas. De plus en plus de producteurs reviennent vers le maïs conventionnel. Il y a une tendance qui va vers ça. Les fabricants vont vouloir rassurer leurs consommateurs.» 

Devenir un leader

Thibault Rehn, directeur du groupe québécois Vigilance OGM, est d'accord. «Une fois qu'on donne l'information aux gens, dit-il, ils n'en achètent plus. Alors les fabricants changent leurs formulations. La transparence permet alors, indirectement, de réduire les surfaces de plantations d'OGM.» 

«Il y a un momentum en ce moment, poursuit Thibault Rehn, avec le Vermont, Campbell, General Mills. Pour moi, l'étiquetage est obligatoire et on s'en va vers ça. On peut choisir d'être un leader ou attendre encore 10 ans de plus et être les derniers en Amérique du Nord à le faire. Le Québec est mûr pour ce genre de loi. L'étiquetage est déjà obligatoire dans 64 pays, dont l'Inde, le Japon, le Brésil et les pays d'Europe. Ça fait déjà trop longtemps qu'on attend.»