Surprenante décision : Campbell a annoncé jeudi dernier son intention d'afficher la présence d'organismes génétiquement modifiés (OGM) sur tous ses produits vendus aux États-Unis. Une première chez les grands fabricants alimentaires. La même soupe aurait donc droit à deux étiquettes différentes, qu'elle se trouve au sud ou au nord de la frontière canado-américaine, car il n'existe aucun projet de loi qui obligerait les fabricants alimentaires à afficher la présence d'OGM dans leurs produits au Canada ou au Québec.

Un virage «nécessaire»Beaucoup se sont étouffés dans leur soupe en ce début d'année : le 7 janvier, Campbell a annoncé soutenir la mise en place d'une loi fédérale qui uniformiserait l'étiquetage des OGM. La société a aussi annoncé son retrait de tous les groupes qui militent contre l'étiquetage obligatoire. Le fabricant des soupes préférées d'Andy Warhol, propriétaire de nombreuses autres marques, dont Pepperidge Farm, est la première multinationale de l'industrie agroalimentaire désormais pour l'identification des OGM. « Nous croyons qu'il est nécessaire que le gouvernement fédéral établisse des standards nationaux pour mieux informer les consommateurs de ce dossier », a-t-on indiqué.

Statu quo au Canada

Lorsqu'il est question du gouvernement fédéral, il s'agit de Washington puisque Campbell Canada ne prend pas les mêmes engagements pour l'instant. « À cette étape, l'étiquetage obligatoire des OGM ne concerne que les produits vendus aux États-Unis, explique Alexandra Sockett, porte-parole de Campbell Canada. Tous les produits que nous vendons au Canada continueront d'être conformes avec les règlements d'étiquetage canadiens. » Pour plus de renseignements, l'entreprise conseille aux consommateurs de consulter son site. Il y est clairement indiqué que, étant donné que 90 % du soya, du maïs et du canola cultivés au Canada sont génétiquement modifiés, les produits Campbell contenant ces ingrédients peuvent contenir des OGM.

Le Vermont

À compter du mois de juillet, les produits alimentaires vendus au Vermont devront déclarer la présence d'OGM. Le Vermont devient donc le premier État américain à imposer l'étiquetage obligatoire. Et cela n'est pas étranger à la sortie de Campbell : « L'entreprise s'oppose à une courtepointe de règlements, écrit-elle dans son communiqué. Nous croyons que cela n'est pas pratique et crée une confusion inutile pour les consommateurs. » Confusion ou pas, dès l'été, tous les fabricants alimentaires devront se conformer à la loi vermontoise et créer des étiquettes particulières pour cet État. À partir de 2018, ceux qui vendent leurs produits dans les épiceries Whole Foods des États-Unis et du Canada devront faire de même.

Les OGM

Les organismes génétiquement modifiés doivent être approuvés par chaque gouvernement avant d'être cultivés sur un territoire. « Toutes les instances scientifiques assurent qu'il n'y a pas de problèmes pour la santé, explique Ariel Fenster, professeur au département de chimie de l'Université McGill. Il y a des problèmes en ce qui concerne l'environnement, mais pas pour la santé. » L'étiquetage obligatoire vient donc d'une pression des consommateurs, estime le professeur : « C'est une décision politique. Je ne suis pas contre, mais dans ce cas, il faudrait aussi indiquer la présence d'autres moyens de production, comme l'utilisation de pesticides qui est aussi néfaste pour l'environnement et potentiellement pour la santé humaine. »

Les consommateurs

On sait que lorsque des composants indésirables sont déclarés dans la composition d'un aliment, les fabricants ont tendance à changer leurs recettes afin de remplacer ces ingrédients dont les consommateurs ne veulent pas. C'est ce qui se produit actuellement dans le cas des colorants alimentaires artificiels qui sont progressivement remplacés par des colorants naturels. Un étiquetage des OGM pourrait-il, ultimement, mener à une réduction des cultures transgéniques destinées à l'alimentation humaine ? « Oui, la possibilité est grande pour qu'on en veuille moins », répond Thibault Rehn, du groupe Vigilance OGM.

Les animaux

Les OGM sont cultivés depuis une vingtaine d'années, rappelle Thibault Rehn, mais ils le sont essentiellement toujours dans les cinq mêmes pays : le Canada, les États-Unis, l'Argentine, le Brésil et l'Inde. La majorité des cultures transgéniques sont destinées à l'alimentation animale. Afin de fournir une information complète aux consommateurs, il faudrait donc aussi imposer l'étiquetage des viandes et des produits provenant d'animaux qui ont été nourris avec des plantes transgéniques, estime le fondateur de Vigilance OGM. Ce qui ne sera pas le cas au Vermont.

Nouvelle pomme de terre

Totalement destinée à l'alimentation humaine, une nouvelle pomme de terre transgénique a été approuvée cette semaine par le gouvernement américain. La Russet Burbank de deuxième génération est plus résistante, se conserve plus longtemps et sa culture demande moins de pesticides. Malgré ces avantages alléchants, McDonald's a déjà annoncé qu'il ne l'utiliserait pas.

Ottawa et Québec en réflexion



Le dossier de l'étiquetage des OGM est désormais entre les mains de la nouvelle ministre de la Santé fédérale, Jane Philpott. « Beaucoup de choses sont à venir dans des dossiers chers aux consommateurs, dont celui de l'étiquetage des OGM », indique pour l'instant l'attaché de presse de la ministre, Andrew MacKendrick.

Au Québec, le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, Pierre Paradis, a de nombreuses fois évoqué la possibilité d'imposer l'étiquetage obligatoire des OGM. Au printemps dernier, il a même confié que son équipe travaillait sur un projet de règlement d'étiquetage inspiré par ce qui s'est fait au Vermont. Aucun détail supplémentaire n'a été fourni et le cabinet du ministre n'a pas donné suite à nos demandes d'entrevue.

PHOTO FOURNIE PAR CAMPBELLS

Campbell entend signaler la présence d'OGM dans ses produits vendus aux États-Unis, comme en témoigne la mention au bas de cette étiquette.