Cet été, le prix du lait payé aux agriculteurs québécois est tombé sous le seuil psychologique de 0,70$ le litre, là où il n'avait pas été depuis longtemps.

«C'est le cas de le dire, le diable est aux vaches», lance le producteur laitier Bruno St-Pierre, qui a une ferme de 50 vaches dans les Basses-Laurentides.

Le mois dernier, les agriculteurs ont reçu en moyenne 0,69$ le litre pour leur lait. C'est une petite remontée en comparaison au mois précédent, mais tout de même un creux douloureux pour les producteurs qui absorbent la perte.

«Pour certains producteurs, cette perte est l'équivalent du salaire qu'ils réussissaient à se payer à la fin de l'année», dit Gabriel Belzile, agriculteur dans le Bas-Saint-Laurent. La petite remontée d'août ne compense pas les pertes, dit-il, et le problème est durement vécu dans toutes les régions, à la grandeur du pays.

Selon la Fédération de la relève agricole du Québec, la «chute entraîne un manque à gagner d'environ 4000$ par mois pour un producteur laitier moyen».

«Nous avons tous les éléments réunis pour une tempête parfaite», dit François Dumontier, porte-parole des Producteurs de lait du Québec.

D'abord, il y a l'augmentation de la consommation et de la production du beurre, une bonne nouvelle qui a tout de même un revers pour les producteurs, puisque le beurre se fait avec une classe de lait moins payante pour eux. Puis, le prix mondial du lait a chuté. Bien que sous la gestion de l'offre, une partie du lait canadien (entre 12% et 20%) est soumis aux prix du marché. La surproduction mondiale a fait chuter ces prix.

Importations américaines

Finalement, il y a ce nouveau produit protéiné américain, le lait «diafiltré», qui entre au pays en passant à travers les mailles de la gestion de l'offre, pour le plus grand bonheur de certains fromagers canadiens qui en achètent beaucoup. Le lait diafiltré est cinq fois plus concentré en protéines que le lait régulier et moins cher.

«Il faut arrêter de parler du beurre et parler du vrai problème, les importations américaines», dit Bruno St-Pierre, qui fait partie d'un groupe de producteurs qui a lancé la page Lait'quitable afin d'obtenir et de diffuser le plus d'information sur la situation.

Au Canada, l'utilisation de protéines laitières est contrôlée par la loi selon le type de fromages. Cela va d'un maximum de 5% pour les fromages fins jusqu'à 37% pour le mozzarella à pizza. «Il faut absolument qu'on change les normes fromagères», dit le producteur laitier Gabriel Belzile, qui estime que ce nouveau lait américain doit être inclus dans les maximums permis. Pour l'instant, ce n'est pas le cas. 

La Fédération des producteurs du lait du Québec croit plutôt que c'est aux frontières que doit se faire le contrôle. «Si le gouvernement soutient la gestion de l'offre, il doit contrôler ses frontières, dit Bruno Letendre. Si ce produit est utilisé par les fromagers comme du lait, il doit être considéré comme tel lorsqu'il traverse la frontière. Le gouvernement a fait un travail amateur dans ce dossier.»

Bruno Letendre croit que le retour à l'école devrait donner un répit aux producteurs laitiers, car il s'accompagne généralement d'une hausse de consommation de produits laitiers frais, yogourt, fromage et lait, plus payants pour le producteur.

Et la consommation?

Si la consommation de beurre reprend, celle du lait continue de diminuer. Statistique Canada a publié le mois dernier ses résultats des ventes de lait au détail pour 2014. La consommation moyenne au Québec est de 72 L par personne, par année, donc un peu moins de 1,4 L par personne par semaine. La quantité peut sembler imposante, c'est en fait une diminution de 23% en 20 ans. Chaque Québécois consommait annuellement en moyenne 94 L de lait en 1995.