Cet été, le mercure ne sera pas le seul à grimper puisque les prix du boeuf observent la même tendance, une situation qui pourrait refroidir l'ardeur des amateurs de barbecue.

Plusieurs experts de l'industrie l'avaient prédit : une pénurie de bétail devrait faire grimper les prix de la viande à des sommets cette année.

«Quand on parle de barbecue, c'est la principale préoccupation en ce moment», a observé Sylvain Charlebois, un professeur de l'institut alimentaire de l'Université de Guelph.

Les prix du boeuf au détail ont progressé d'environ 40 pour cent ces trois dernières années, a souligné M. Charlebois, et cette tendance à la hausse s'est maintenue à chaque mois de janvier à avril, selon les plus récentes données compilées par Statistique Canada sur les prix des aliments.

«Alors cet élan à la hausse est toujours là. Je crois que nous n'avons pas encore atteint le sommet.»

Une opinion que partage Kevin Grier. L'analyste indépendant de l'industrie alimentaire de Guelph, en Ontario, a observé que les troupeaux de bétail nord-américains connaissaient un déclin depuis environ 15 ans. Mais selon lui, 2014 et 2015 représentent, en quelque sorte, «un moment charnière».

M. Grier affirme avoir été récemment inondé d'appels au sujet des prix du boeuf, qu'il étudie, tout comme ceux du porc et du poulet.

Les circulaires d'épiceries faisaient la promotion, il n'y a pas plus de deux ans, de populaires coupes de bifteck à 4,99 $ la livre (environ 11 $ le kilo). C'était avant la récente flambée des prix.

«Aujourd'hui, on voit (la livre) à 7,99 $, 8,99 $, 9,99 $. Et ce sont les prix soldés.»

Phénomène occidental

Même si ce nouvel environnement de prix est un choc pour les amateurs de boeuf canadiens, le phénomène est observé partout dans le monde occidental.

«Aux États-Unis, par exemple, depuis 2009, les prix du boeuf ont presque doublé. Alors la hausse aux États-Unis est encore plus forte que celle que nous avons eue au Canada», a expliqué M. Charlebois.

«Les troupeaux aux États-Unis sont bien plus épuisés qu'au Canada, et c'est pourquoi les prix ont grimpé de façon significative. En Europe, c'est encore pire.»

L'Union européenne a mis fin à ses quotas sur les produits laitiers en avril, ce qui a entraîné une incertitude accrue pour les agriculteurs, a-t-il expliqué.

«Alors plusieurs agriculteurs quittent l'industrie - tant celle des produits laitiers que celle du bétail. Il y a de moins en moins de stocks en Europe. Les réserves sont plus faibles, alors les prix ont grimpé.»

M. Charlebois souligne que les propriétaires de bétail et les agriculteurs canadiens profitent de la hausse des prix pour leurs produits, mais ils font preuve de prudence par rapport à l'expansion de leurs troupeaux en raison des coûts, du temps et des risques potentiels.

Au sujet de ces risques, il rappelle que les prix du bétail avaient plongé de 70 pour cent d'un jour à l'autre le 20 mai 2003, après qu'une épidémie de la maladie de la vache folle eut fait fuir les consommateurs et fermé les portes des marchés d'exportation.

«Cela a tué beaucoup d'activités à travers le pays», a noté M. Charlebois. «Ces risques existent toujours aujourd'hui. On ne sait jamais.»

M. Grier s'attend à ce que l'effet des pénuries perdure au moins jusqu'en 2018, parce qu'il peut prendre jusqu'à trois ans pour produire une nouvelle génération de bétail.

«Au Canada, nous n'avons pas encore commencé à augmenter la taille des troupeaux», a-t-il expliqué.

Selon Brenna Grant, du groupe Canfax Research Services - un groupe de Calgary qui recueille de l'information au sujet du marché pour le secteur canadien du bétail - l'industrie se trouve «au tout début» d'une période d'expansion à la suite d'une décennie «très difficile» pour les producteurs de bétail.

«Plusieurs n'ont pas la main-d'oeuvre disponible ou la volonté d'augmenter leur charge de travail», a expliqué Mme Grant.

Selon elle, certains producteurs considèrent que les prix ont été assez élevés pendant assez longtemps pour envisager une expansion, mais lorsqu'ils regardent les prévisions météorologiques pour voir ce qui fera suite au printemps sec, ils finissent par se demander s'ils auront assez d'herbe fourragère cet été.

Or, l'herbe fourragère sera nécessaire pour nourrir les troupeaux de bétail jusqu'à l'hiver prochain, que ce soit sous la forme de pâturage ou celle de foin, a souligné Mme Grant.