Trop peu, trop tard? La note est arrivée hier après-midi sur la page Facebook des jus Oasis: Jean Gattuso, chef de l'exploitation des Industries Lassonde (T.LAS.A), s'est adressé aux consommateurs fâchés par l'attitude de son entreprise vis-à-vis de la petite entreprise Olivia's Oasis. «J'ai été personnellement rencontrer [Mme Gudzman] dimanche après-midi, lit-on. Je lui ai exprimé mes regrets relativement à la tournure des événements et nous avons conclu une entente. Je lui ai également offert du mentorat de manière à développer son entreprise.»

«Le message du consommateur a été bien entendu, ajoute en entrevue à La Presse Affaires Pierre L'Heureux, vice-président et directeur général des Industries Lassonde. C'est important maintenant de poursuivre ce dialogue sur les médias sociaux.»

Si Olivia's Oasis peut tirer une belle publicité de cet affaire, Lassonde, par contre, doit se rapprocher des consommateurs.

Interrogé sur le plan que Lassonde doit adopter à court terme pour reconquérir la faveur de l'opinion publique, Frederic Gonzalo, stratège en marketing, communications et médias sociaux, disait hier matin que la direction devait faire un mea culpa public rapidement. «À l'époque de la crise de la listériose, la direction de Maple Leaf est sortie publiquement, rappelle-t-il. C'était vraiment beaucoup plus grave, mais il y a eu une action claire. Jusqu'à hier matin, il y avait un silence radio des dirigeants de Lassonde.»

Lassonde retrouvera-t-elle la sympathie des consommateurs qui ont, par centaines, manifesté leur mécontentement sur la page Facebook des jus Oasis? L'entreprise craint-elle de voir baisser ses ventes?

«On fait confiance à notre consommateur, répond Pierre L'Heureux. Étant donné la rapidité avec laquelle on a réagi, on a bon espoir que cet événement se termine positivement.»

Dans son dernier bilan financier, Lassonde a fait état de revenus de 760 millions pour l'exercice de 2011, en hausse de 41%, grâce à l'acquisition de l'américaine Clement Papas and Company, notamment.

«L'effet négatif sera de courte durée, estime Frederic Gonzalo. Mais un impact de quelques semaines peut avoir des conséquences pour l'entreprise.»

«C'est l'avantage des médias sociaux, ajoute Luc Dupont, professeur agrégé au département de communication de l'Université d'Ottawa. Les tempêtes sont très soudaines, mais elles disparaissent aussi vite.»

Outre la lettre de M. Gattuso sur Facebook, Lassonde va peut-être s'appuyer sur des activités marketing pour dissiper les nuages.

«On n'a pas encore arrêté la stratégie publicitaire, souligne Pierre L'Heureux. On va dresser un bilan d'ici 24 à 48 heures et voir si on doit appuyer la lettre de M. Gattuso avec des actions concrètes. Cela dit, nous sommes déjà très présents sur Facebook, Twitter et dans le circuit de la course à pied. On véhicule déjà un message positif lié à la santé et au bien-être par l'entremise de plusieurs activités.»

Des spécialistes interrogés ont des visions opposées quant à la stratégie publicitaire à adopter. «On devrait s'attendre à une bonne vieille campagne d'image sous peu», croit Luc Dupont.

«Faire une campagne publicitaire équivaudrait à prolonger le problème, estime cependant Frederic Gonzalo. Faire une promotion, ce serait une maladresse. Lassonde doit continuer de faire ce qu'elle fait bien: commanditer des courses, par exemple, pour assurer son capital de sympathie.»

Montrer qu'une entreprise tient à sa clientèle après l'avoir déçue est toutefois efficace, car elle pourrait se faire aimer davantage, selon Jean-François Ouellet, professeur de marketing à HEC Montréal. «Mais il faut trois choses pour y parvenir, dit-il. L'entreprise doit reconnaître rapidement qu'elle a trahi le consommateur. Elle doit le récompenser, en lui offrant un carton de jus, par exemple, dès le lendemain. Et, l'action la plus difficile et la moins chère, l'entreprise doit reconnaître sa faute. Aller rencontrer Olivia's Oasis n'est pas un mea-culpa véritable.»

La résolution du problème ne se trouverait toutefois pas dans des stratégies à court terme. «L'enjeu est plus profond que ça», dit Marie-Claude Ducas, spécialiste des communications et coauteure d'un livre à venir sur l'utilisation des médias sociaux en entreprise. «Les réseaux sociaux mettent tout à coup en lumière la culture et les pratiques d'une entreprise. Là, Lassonde doit se demander si elle a le réflexe d'être transparente et de discuter avec sa clientèle. C'est une nouvelle réalité.»

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INDUSTRIES LASSONDE EN CHIFFRES

Activité: production de jus et de boissons aux fruits dans 14 usines au Canada et aux États-Unis

Effectif: 2000 employés

Siège social: Rougemont (Québec)

Revenus 2011: 760 millions (+41%)

Provenance: 53% du Canada, 46% des États-Unis, 1% d'ailleurs

Bénéfice net 2011: 34,4 millions (+8%)

Capitalisation boursière: 479 millions

Cours récent des actions: 68,50$ (Toronto)

Rendement total depuis un an: +6%

Principaux actionnaires: famille Lassonde (92% des votes, 0,9% des actions), Letko Brosseau et Associés (15% des actions), Montrustco Bolton (10% des actions), Fiera Capital (8% des actions), etc.

Rémunération des dirigeants 2011: Pierre-Paul Lassonde (président du conseil et chef de la direction, 2,1 millions), Jean Gattuso (chef de l'exploitation, 3,3 millions)

Sources: Industries Lassonde, Bloomberg, Bourse de Toronto