Un reportage de La Presse sur les fraudes commises aux dépens des agences de voyages semble avoir mis en lumière un modus operandi fréquent : la vente de forfaits tout inclus payés en liquide à de faux conseillers, par des clients naïfs ou négligents qui risquent de devoir s'expliquer devant les tribunaux.

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Espérant un rabais, des chasseurs d'aubaines achètent des voyages en versant de l'argent comptant à des fraudeurs, qui utilisent ensuite des cartes de crédit volées pour réserver leurs séjours auprès d'agences autorisées.

L'agence Voyage Vasco, d'Alma, a vendu un séjour à Cuba d'une valeur de plus de 5000 $ à une famille de Longueuil l'été dernier. Interrogée par les policiers après que la carte utilisée se fut avérée volée, cette famille a déclaré qu'elle avait payé son voyage à un inconnu dans un Tim Hortons et que ce dernier s'était occupé de la réservation.

L'agence Voyage Vasco a tiré un trait sur la somme perdue, qui lui a été réclamée par le voyagiste. « L'émetteur de la carte de crédit n'a pas voulu nous rembourser, et nous attendons toujours que les enquêteurs fassent quelque chose », dit la conseillère Isabelle Desgagnés.

« Le pire, c'est que cette famille semble toujours se rendre au même hôtel chaque année depuis 2014, si l'on se fie à ses photos sur Facebook. » - Isabelle Desgagnés

« Et en communiquant avec d'autres agences, on s'est rendu compte qu'ils sont rejoints sur place par des amis et des parents qui paraissent utiliser la même méthode. En tout, ils devaient être une quinzaine la dernière fois », souligne la conseillère.

DES JUGEMENTS DE LA COUR

À la suite de la publication du reportage de La Presse en mars, le site web spécialisé TourismePlus.com a relevé deux jugements de la Cour du Québec rendus dans les derniers mois contre des voyageurs qui avaient utilisé un stratagème identique.

En janvier, la juge Eliana Marengo a condamné un groupe de 10 touristes à verser une somme de 28 078 $ plus intérêts et frais judiciaires à Transat Tour Canada pour deux séjours au Gran Bahia Playa Turquesa, en République dominicaine.

Les voyageurs disaient avoir versé 21 000 $ en liquide pour ces mêmes forfaits, auprès d'une agence sans existence légale et par l'entremise d'un « conseiller en voyages » sans permis, qui n'a visiblement jamais remis la somme au voyagiste.

« Qui paie mal paie deux fois », a écrit la juge Marengo dans sa décision.

Dans une affaire semblable, Vacances Sunwing a obtenu en novembre une somme de 6565 $, en plus des frais et intérêts, aux dépens de quatre voyageurs qui affirmaient avoir payé un séjour au Smile AT Grand Palladium de Punta Cana à un inconnu rencontré dans un centre commercial, sans carte professionnelle, numéro de téléphone ni preuve de paiement.

DES CIBLES DE CHOIX

Les agences de voyages sont particulièrement ciblées par les fraudeurs, a relevé La Presse en mars, puisqu'un voyage est un « produit virtuel de haute valeur qui est souvent distribué par des agents de voyages qui n'ont pas mis en place des systèmes sophistiqués de prévention de la fraude », selon l'Association des tours opérateurs du Québec (ATOQ).

Une propriétaire d'agence, qui dit vouloir s'exprimer sous le couvert de l'anonymat par crainte de représailles de la part des grossistes en voyages, affirme par ailleurs que des fraudeurs ont utilisé le numéro d'identification personnel (NIP) de l'un de ses conseillers pour réserver des voyages d'une valeur de 10 000 $ directement auprès de Transat.

« N'importe qui peut facilement avoir accès à ces numéros qui servent à identifier les agences auprès des grossistes au moment de la réservation », dit cette conseillère qui compte 30 ans d'expérience dans l'industrie du voyage.

Quant à l'agence citée dans le premier reportage de La Presse, qui avait déjà perdu plus de 13 000 $ aux mains de malfaiteurs, elle a reçu une nouvelle réclamation d'un montant de 5700 $, la semaine dernière, de la part de Vacances Air Canada. « Dans ce dernier cas, dit la conseillère de Passion Voyages Marie-Pier Lanoue, le fraudeur a même eu le culot de m'écrire pour me dire qu'il s'était bien rendu. Avec un "bonhomme sourire", le p'tit cr*** ! »