Le président des Cinémas Guzzo, Vincenzo Guzzo, ajoute sa voix aux gens d'affaires qui critiquent la controversée entente entre Ottawa et Netflix permettant au géant américain de ne pas prélever les taxes de vente sur ses abonnements au Canada.

Il a expliqué jeudi qu'il n'accepte pas l'argument suggérant que ce sont les consommateurs canadiens qui auraient écopé de la facture si le gouvernement Trudeau avait obligé l'entreprise américaine à respecter les règles du jeu en vigueur pour les autres entreprises.

«Qu'on ne vienne pas me donner des excuses cul-cul (à l'effet) qu'on ne veut pas imposer la TPS et la TVQ parce que ça sera refilé aux contribuables, ce n'est pas vrai», a dit l'homme d'affaires reconnu pour ne pas avoir la langue dans sa poche, en marge d'une allocution devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM).

L'exploitant de salles de cinéma ne considère pas Netflix comme un concurrent direct, rappelant que c'est plutôt le secteur télévisuel qui est bousculé par les séries originales de l'entreprise américaine. Cela ne l'a toutefois pas empêché d'affirmer que les taxes de vente devraient s'appliquer à un service vendu au Canada.

Netflix s'est engagé à investir 500 millions de dollars sur cinq ans dans la production de contenu au Canada en échange d'une exemption sur le prélèvement des taxes de vente sur ses abonnements, contrairement aux services canadiens comme Club Illico et Tou.tv Extr.

De l'avis de M. Guzzo, la situation actuelle laisse un «goût amer» dans la bouche des contribuables et gens d'affaires, qui se demandent pourquoi Netflix bénéficie d'un tel traitement.

«Moi aussi je pourrais peut-être vendre mes billets sur internet depuis l'Irlande et prétendre que le service est en Irlande pour ne pas prélever la TPS et la TVQ, a-t-il ironisé. Mais pourquoi? Pourquoi on accepte cela?»

Le gouvernement Couillard a déjà fait part de son intention de faire cavalier seul dans ce dossier et de réclamer la TVQ sur les abonnements à Netflix.

Pour M. Guzzo, la ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly, est «coincée entre l'arbre et l'écorce» dans ce dossier et il estime qu'il revient au premier ministre Justin Trudeau d'expliquer les motifs entourant l'entente avec Netflix.

«Peut-être moins de larmes et plus de faits», a-t-il lancé à M. Trudeau, dans son discours.

Interrogé au cours d'une mêlée de presse, l'homme d'affaires a rappelé que d'autres pays, comme la France, avaient légiféré en la matière.

«Pourquoi voulons-nous être aussi gentils avec une compagnie internationale qui n'a littéralement aucun lien avec le Canada? a demandé M. Guzzo. Pourquoi on ne peut pas mettre notre pied à terre et dire »c'est assez«?»

Au cours des dernières semaines, d'autres dirigeants d'entreprises, dont Pierre Karl Péladeau et Louis Audet, de Québecor et Cogeco, ont reproché au gouvernement Trudeau d'avoir plié les genoux devant le géant américain.

Changement de mentalité

M. Guzzo, qui préside l'Association des propriétaires de cinémas du Québec, a aussi réitéré l'importance de présenter un contenu qui plaît aux cinéphiles qui payent pour visionner un film.

À son avis, il ne faut pas nécessairement se scandaliser si un film québécois ne sort jamais en salles - un sort également réservé à bon nombre de productions américaines.

«Je ne vais pas m'obstiner pour diffuser du contenu qui ne fonctionne pas», a-t-il lancé dans le cadre de son discours.

Cette année, a-t-il souligné, des productions québécoises comme «De père en flic 2», «Bon Cop, Bad Cop 2» et «Junior Majeur» auront contribué à faire bondir d'environ 20 pour cent le nombre d'entrées dans les cinémas Guzzo.

Par contre, a ajouté M. Guzzo, les distributeurs ont un rôle à jouer s'ils estiment qu'un film ne séduira pas le public au box-office.

«C'est (qu'ils disent au réalisateur) »écoute, nous nous sommes trompés. On a fait un film qui ne récoltera peut-être que 5000 $. On va sortir ton film sur d'autres plateformes et il n'ira pas au cinéma. On va te donner une deuxième chance, car cela ne nous coûtera pas 500 000 $ pour lancer le film«.»

Pour M. Guzzo, il est injuste que ce soit toujours les mêmes - les petits exploitants de salles - qui paraissent mal en refusant de diffuser des productions qui, selon eux, ne sont pas destinées à connaître du succès au box-office. L'homme d'affaires dit ne pas refuser les films québécois, puisqu'il n'a aucun problème à leur dédier des salles dans ses complexes. Parfois, ajoute-t-il, son entreprise n'a pas accès à certaines productions, réservées à des salles plus ciblées.