Le silence de Vivendi lors de l'assemblée d'Ubisoft tenue hier a été particulièrement assourdissant. En s'abstenant de voter sur toutes les résolutions, le plus important actionnaire du géant du jeu vidéo a torpillé la plus importante, celle qui aurait permis de récompenser les employés en leur attribuant des actions.

Il s'agissait de la résolution la plus attendue, qui avait été rejetée l'an dernier dans les mêmes circonstances. Une majorité des deux tiers était nécessaire pour son adoption. L'abstention de Vivendi, qui détient 27 % des droits de vote, combinée à 10 % de votes opposés, a scellé le sort de cette proposition qui visait à attirer les talents dans cette industrie très compétitive.

L'enjeu est de taille pour le studio Ubisoft de Montréal, le plus important du groupe avec ses quelque 2800 employés.

« Même si nous regrettons cette décision de Vivendi, nous mettrons en place des solutions alternatives aussi efficaces, mais plus coûteuses pour la société, afin de continuer à bien récompenser les équipes Ubisoft et maintenir notre attractivité », a indiqué par courriel à La Presse Yves Guillemot, PDG d'Ubisoft.

« CONTRÔLE RAMPANT NÉFASTE »

La quasi-totalité des résolutions proposées par le conseil d'administration en place, lors de cette assemblée tenue en banlieue de Paris, ont toutefois été adoptées. Preuve, selon le PDG, du « soutien massif des actionnaires », on a notamment approuvé la nomination de deux nouvelles administratrices indépendantes, Corinne Fernandez-Handelsman et Virginie Haas, ce qui porte à 6 sur 11 la présence d'indépendants au sein de cette instance.

« L'indépendance du conseil d'administration témoigne de la bonne gouvernance de la société », estime M. Guillemot. Aucun siège n'a toutefois été accordé à Vivendi, qui n'a par ailleurs déposé aucune résolution en ce sens avant ou pendant l'assemblée.

Photo Sarah Mongeau-Birkett, Archives La Presse

Vivendi, le plus important actionnaire d'Ubisoft, a torpillé hier, lors de l'assemblée annuelle de l'entreprise à Paris, la résolution visant à récompenser les employés en leur attribuant des actions.

Photo Charles Platiau, Archives Reuters

Vincent Bolloré, patron de Vivendi

Il s'agit du dernier épisode du bras de fer que se livrent depuis 2015 les deux entreprises françaises. Menée par Vincent Bolloré, Vivendi a patiemment commencé à acquérir son bloc d'actions alors qu'Ubisoft était sous-valorisée en Bourse, avec un cours sous les 29 $. Il était en date d'hier de 87 $.

RENDEZ-VOUS À LA MI-NOVEMBRE

Vivendi, propriétaire notamment de l'agence Havas, de Canal+, de Universal Music et de Telecom Italia, a réussi en 2016 à mettre la main sur un studio détenu par les frères Guillemot, Gameloft, au terme d'une OPA hostile.

La bouchée s'avérerait cependant bien plus grosse avec Ubisoft : il faudrait que Vivendi débourse plus de 11 milliards, selon un calcul de l'agence Reuters, pour mettre la main sur l'entreprise.

Le groupe Bolloré aura une décision à prendre à ce sujet dès la mi-novembre, alors qu'une partie de ses actions seront assorties de votes doubles et qu'il franchira la barre des 30 % de droits de vote. Selon la loi française, Vivendi devra alors déclencher une offre publique d'achat ou se délester d'une partie de ses droits de vote.