Cinq mois après Familiprix, au tour des pharmacies Uniprix d'annoncer qu'elles vont se recentrer sur leur mission première : la santé. Dans le nouveau concept qui sera dévoilé cette semaine à Saint-Sauveur, au moins le tiers des 10 000 produits sera retiré des tablettes et de nouveaux services seront offerts. La Presse a obtenu en exclusivité les détails de ce changement stratégique.

«On n'a pas d'affaires, selon moi, dans la commodité. Sauf dans les régions éloignées où on est seuls et où on a un rôle de dépannage, lance le grand patron d'Uniprix, Philippe Duval, rencontré au siège social, boulevard Métropolitain. Ce n'est pas ça, notre game à nous autres, c'est la santé!»

Pour se démarquer de la concurrence, Uniprix ambitionne d'utiliser davantage la crédibilité et l'expertise des pharmaciens en santé. Pour y arriver, l'entreprise a choisi la même voie que sa rivale Familiprix : un concept qui revient à la base de la pharmacie en faisant plus de place aux conseils et à l'accompagnement, moins aux produits ménagers et saisonniers.

Uniprix poussera cependant l'audace un peu moins loin. Tout ce qui n'est pas relié à la santé ne sera pas sorti des pharmacies d'un coup, à l'instar de Familiprix dans ses deux succursales pilotes à Cowansville et Nicolet.

«On va y aller progressivement. Ce n'est pas une révolution mais une évolution. On va y aller intelligemment, étape par étape, selon le rythme des clients», affirme M. Duval.

À son avis, Familiprix «prend des risques de volume [de ventes]».

Le résultat sera néanmoins «une destination complètement différente» qui «va sortir des sentiers battus», jure le dirigeant. Car «ça ne suffit pas d'enlever tous les produits qui ne sont supposément pas bons pour la santé», poursuit-il. Il faut offrir du neuf en échange, quelque chose qui attirera les clients.

Philippe Duval croit qu'Uniprix doit profiter du fait que le système de santé peine à prendre en charge toute la population et que «68% de la population voudrait prendre elle-même sa santé en main». Pour ce faire, les pharmacies cesseront d'attirer principalement les malades ayant besoin de traitements, pour devenir des lieux «axés sur le bien-être et la prévention» où on trouve des conseils. Par exemple, un coureur pourrait venir consulter au sujet des suppléments à prendre, tout en s'assurant qu'ils n'entrent pas en conflit avec sa médication.

De nouveaux services



C'est pourquoi les succursales remodelées offriront de nouveaux services payants et gratuits (conférences de professionnels et de spécialistes, ateliers, écrans informatifs) dans un espace «unique en Amérique du Nord», selon le PDG, appelé Espace connaissance.

«On veut des gens qui sont entrepreneurs, qui ont le désir d'être travailleurs autonomes. L'infirmière, il va falloir qu'elle s'assume. Nous, on amène le client et il va falloir qu'elle fasse sa clientèle», affirme M. Duval. 

«On veut des spécialistes qui partagent la même philosophie que nous autres d'accompagnement et de prise en charge de sa santé. On va recruter en fonction de ça».

L'espace servira aussi à réunir des clients qui font face aux mêmes enjeux et qui veulent faire partager leur expérience, un peu comme un groupe sur Facebook. Bref, Uniprix veut créer un lieu de rencontre, un lieu social, dans lequel le pharmacien sortira plus souvent de son officine pour discuter avec ses clients. Déjà, certaines succursales ont créé des clubs de marche « qui fonctionnent très bien ».

Entre 500 000 $ et 1 million par pharmacie

Chaque projet coûtera entre 500 000 $ et 1 million, somme avancée à 80% par le pharmacien et à 20% par le futur propriétaire, McKesson Canada (l'acquisition annoncée en mai n'est pas encore conclue officiellement). Cette année, trois pharmacies (à Saint-Sauveur, Val-d'Or et Lévis) adopteront leur nouveau concept. La transformation de tout le réseau - quelque 300 pharmacies - doit prendre «entre 5 et 7 ans».

Même si la somme est considérable dans un contexte où l'achalandage dans la partie commerciale et la marge de profit baissent, Philippe Duval jure que ce n'est pas difficile de convaincre les pharmaciens propriétaires d'investir. «Le statu quo est encore plus menaçant que le changement dans notre cas. Ils savent pertinemment que le statu quo n'est pas une option.» Le plus grand défi est plutôt de convaincre les pharmaciens de changer de rôle. Mais «35-40% sont déjà rendus là dans leur tête».

Uniprix s'attend à une hausse «à terme de 8 ou 9% des ventes au pied carré». Le concept devrait par ailleurs permettre «de garder [leur] marge actuelle sur le plancher et éviter l'érosion... qui touche toute l'industrie». L'entreprise réalise des ventes au pied carré d'environ 1000 $, en moyenne. Cela se compare à 1300 $ chez Jean Coutu, qui se targue d'être ainsi en tête.

«Ce qu'on commence à faire et qu'on n'avait pas fait depuis des années, c'est innover. Et ce n'est pas facile, car ça bouscule les paradigmes des gens, on les confronte. C'est tout un changement de culture qu'on est en train d'amorcer», conclut Philippe Duval.