D'un côté les États-Unis et la Chine qui resserrent leurs politiques monétaires, de l'autre la zone euro ou le Japon qui restent ultra-accommodants: les divergences se renforcent entre banques centrales, avec des risques pour l'instant modérés pour les émergents.

Plusieurs instituts d'émission ont réagi à la décision prise mercredi par la Fed de relever ses taux directeurs d'un quart de point de pourcentage, mais en ordre dispersé.

La Chine a emboîté le pas des États-Unis et relevé jeudi d'un dixième de point ses taux courts sur le marché monétaire, tandis que toutes les autres banques centrales ont maintenu sans changement leur politique accommodante.

À commencer par la Banque du Japon (BoJ) qui a réitéré sa volonté de la poursuivre «aussi longtemps que nécessaire» pour atteindre son objectif de hausse des prix de 2%.

Idem pour la Banque d'Angleterre (BoE) qui a laissé inchangé son taux directeur, à un niveau historiquement bas depuis août dernier, quand l'institution avait assoupli sa politique monétaire afin de contrer tout choc potentiel sur l'économie du Royaume-Uni de la décision des Britanniques de quitter l'UE.

La Banque Nationale suisse (BNS) n'a pas bougé non plus, tout comme celle de Norvège. Quant à la Banque centrale européenne (BCE), elle avait maintenu sa politique monétaire ultra-accommodante il y a une semaine.

Cette «asymétrie» entre la politique monétaire américaine et celles de la plupart des autres grandes économies mondiales «s'explique par des différences de positionnement dans le cycle» économique, a expliqué à l'AFP Julien-Pierre Nouen, directeur des études économiques chez Lazard Frères.

«Aux États-Unis, l'économie est pratiquement au plein emploi, l'inflation commence gentiment à accélérer et il est donc logique que la politique monétaire se normalise», a-t-il ajouté.

En revanche, en zone euro et au Japon, la reprise de la croissance reste encore fragile et les objectifs d'inflation ne sont pas encore atteints.

Hausse du dollar

«C'est vrai qu'il y a une vraie divergence sur la perception de l'inflation», a affirmé Philippe Waechter, directeur de la recherche économique chez Natixis. À ses yeux, la Fed est convaincue d'avoir atteint sa cible et la BCE estime que la hausse des prix de ce début d'année n'est que temporaire.

«Il y a donc un retour à la normale aux États-Unis (dans la politique monétaire) que la BCE ne souhaite pas pour l'instant», a-t-il souligné.

«Francfort considère qu'elle doit encore être très active dans la gestion de sa politique monétaire et ne veut surtout pas réduire ses achats d'actifs» face à une croissance encore fragile, a-t-il souligné.

Cette divergence entraîne une hausse de la monnaie américaine.

«Comme les taux d'intérêt vont probablement rester en position accommodante en Europe, au Royaume-Uni et au Japon (...), cela devrait renforcer le dollar par rapport aux autres devises», a souligné Anthony Doyle, directeur des investissements auprès de la société de gestion britannique M&G.

M. Nouen partage cet avis: «L'impact le plus visible porte sur les taux de change, comme on l'a vu avec l'appréciation du dollar face aux autres devises» lors de ces derniers mois, a-t-il expliqué.

«Que le dollar s'apprécie un peu, ce n'est pas anormal», a reconnu M. Waechter, qui écarte pour l'instant un risque pour la croissance des principales économies mondiales ou une forte hausse de la devise américaine.

«En revanche, la question va se poser du côté des émergents où la hausse du dollar peut poser quelques soucis, parce qu'il y a un endettement en devise américaine qui est important. Si le dollar s'apprécie vraiment et dans la durée, cela peut devenir problématique» a-t-il expliqué.

Avec un danger, pour M. Nouen: «Si l'inflation accélère assez fortement aux États-Unis , la Fed pourrait être amenée à remonter plus rapidement les taux et là nous pourrions avoir un effet plus fort sur le dollar et de manière induite sur les émergents», a-t-il affirmé. «Mais ce n'est pas le scénario central», a-t-il ajouté.