Les autorités américaines de la concurrence ont lancé des poursuites mardi contre le fournisseur américain de semi-conducteurs Qualcomm, qu'elles accusent d'avoir violé la législation antitrust lors de la vente de certains composants et licences à des fabricants de téléphones intelligents, dont Apple.

Qualcomm, qui figure parmi les plus grands fournisseurs mondiaux de puces pour téléphones intelligents, est accusé «d'utiliser des tactiques anticoncurrentielles pour maintenir son monopole pour la fourniture d'un composant semi-conducteur utilisé dans les téléphones portables et d'autres produits pour les consommateurs», précise la commission fédérale du Commerce (FTC) dans un communiqué.

Le groupe a annoncé son intention de «contester vigoureusement» cette plainte, qui repose selon lui sur «une théorie légale incorrecte». En attendant, son action a clôturé sur une baisse d'environ 4% mardi.

Les composants concernés par la plainte sont des «processeurs de bande de base», des puces qui servent lors des communications cellulaires et pour lesquelles Qualcomm est l'un des principaux fournisseurs mondiaux.

La FTC relève parallèlement que le groupe dispose de brevets sur des technologies jugées essentielles pour permettre les communications mobiles.

D'après elle, Qualcomm aurait profité de sa position dominante, liant la fourniture de ses puces aux fabricants de téléphones intelligents avec les tarifs qu'il leur facturait pour des licences d'utilisation de ses brevets.

La FTC cite en particulier l'exemple d'un contrat d'exclusivité signé avec Apple: le fabricant de l'iPhone a accepté de se fournir en processeurs de bande de base uniquement auprès de Qualcomm entre 2011 et 2016, en échange de redevances réduites pour l'usage des brevets.

Qualcomm aurait également refusé de donner des licences pour ses brevets à ses concurrents dans les processeurs de bande de base et imposé des redevances plus élevées aux fabricants de téléphones intelligents qui utilisaient leurs composants. La FTC assimile cela à «une taxe» sur l'usage de produits concurrents qui s'est traduite in fine par des prix plus élevés pour les consommateurs.

Plainte «précipitée» avant Trump ?

«La plainte repose sur une théorie légale incorrecte, un manque de fondement économique et des méconnaissances importantes sur le secteur des technologies mobiles», a réagi Qualcomm dans un communiqué séparé.

Il affirme que ses pratiques commerciales «ont permis la croissance et l'avancement des communications mobiles dans le monde» et ne sont en rien illégales, et reproche à la FTC de s'être «précipitée pour déposer sa plainte avant le départ de sa présidente (Edith) Ramirez et la transition vers une nouvelle administration» avec la prise de fonctions en fin de semaine du nouveau président Donald Trump.

La plainte de la FTC est le résultat d'une enquête dont le groupe avait dévoilé l'existence fin 2014. Qualcomm avait assuré «coopérer» avec les autorités, mais prévenu que cela pourrait déboucher sur une amende ou l'obligation de modifier ses pratiques.

Les États-Unis ne sont pas le seul pays du monde où le fabricant de semi-conducteurs est dans le collimateur des autorités antitrust, avec une série d'autres enquêtes ces dernières années en Europe et en Asie.

La Corée du Sud lui avait encore infligé fin décembre une amende record, d'un peu plus de 850 millions de dollars, pour des faits similaires à ceux reprochés par la FTC. Le groupe avait annoncé son intention de faire appel.

Qualcomm avait également écopé début 2015 d'une amende de 975 millions de dollars en Chine, qu'il n'a pas contestée. Il avait alors accepté de modifier les conditions d'octroi de licences pour ses brevets essentiels et de renoncer à lier ces licences avec la vente de ses puces pour les téléphones intelligents vendus en Chine.

Dans son dernier rapport trimestriel transmis au gendarme boursier américain (SEC) en novembre, Qualcomm faisait toujours état d'enquêtes en cours au Japon, à Taïwan ainsi qu'en Europe, où la Commission européenne avait formalisé ses accusations contre le groupe fin 2015.

Bruxelles estimait notamment qu'il «aurait versé illégalement des sommes à un client important (un fabricant de téléphones intelligents et tablettes, dont le nom n'a pas été dévoilé, NDLR) pour utiliser exclusivement ses puces, et aurait vendu des puces à des prix inférieurs aux coûts pour évincer son concurrent Icera du marché» entre 2009 et 2011.