Dans le cadre de son projet de ramener une équipe de la LNH à Québec, Québecor ne s'est pas protégée contre les fluctuations du huard. La valeur et les fluctuations du dollar canadien sont parmi les raisons citées par la LNH le mois dernier pour son refus d'accorder une équipe d'expansion à Québec.

Québecor a toutefois pris « la bonne décision » en ne se protégeant pas contre les variations du taux de change sur le prix de 500 millions US pour l'acquisition d'une équipe de la LNH, selon deux experts consultés par La Presse.

« La décision de ne pas couvrir le risque de dépréciation du dollar canadien devant une transaction très incertaine et lointaine pour l'achat d'une équipe de hockey était la bonne décision de gestion de risques pour Québecor. [...] On ne se « hedge » pas contre une transaction potentielle dans deux ans. Il faut que ça serve à couvrir quelque chose », indique Richard Guay, professeur en finance à l'École des sciences de la gestion de l'UQAM.

« Si le dollar américain baisse et que vous n'avez pas l'équipe, vous êtes dans le trouble. Vous allez être obligés de montrer une perte aux états financiers. » - Michel Magnan, professeur en comptabilité à l'Université Concordia

À la demande de La Presse, les professeurs Richard Guay, Michel Magnan et Stéphane Rousseau (professeur de droit des marchés financiers à l'Université de Montréal) ont étudié les états financiers de Québecor au 31 décembre 2015. Ils en sont arrivés à la même conclusion : Québecor n'a pas utilisé d'instruments financiers dérivés afin de couvrir les risques de fluctuations du taux de change pour l'acquisition d'une équipe de la LNH. 

Dans le cours normal de ses activités, Québecor se protège contre les fluctuations du huard pour plusieurs centaines de millions de dollars américains parce que l'entreprise se finance en partie aux États-Unis (environ 60 % de sa dette à long terme est en dollars américains, soit 2,6 milliards US). Elle souhaite ainsi se protéger contre la fluctuation du huard sur ses paiements de capital et d'intérêts. Québecor se protège aussi sur les devises sur ses achats de matières premières aux États-Unis. Au 31 décembre 2015, la valeur comptable des instruments financiers dérivés de Québecor liés au taux de change était de 954,5 millions. 

Les professeurs Richard Guay et Michel Magnan font valoir que toute couverture contre les fluctuations du huard rattachée à une transaction hypothétique - comme la possibilité d'acheter une équipe de la LNH pour 500 millions US en participant au processus d'expansion de la LNH l'été dernier - aurait vraisemblablement été qualifiée de couverture spéculative. Dans son rapport de gestion pour l'année 2015, Québecor précise qu'aucun de ses instruments financiers dérivés ne sont « détenus ou émis à des fins spéculatives ». Québecor répète cette même affirmation dans son dernier rapport trimestriel (au 31 mars 2016).

AUCUNE OBLIGATION FINANCIÈRE

Au contraire de son financement bancaire qui lui impose des obligations déterminées en dollars américains, Québecor n'a aucune obligation financière rattachée au projet de ramener une équipe de la LNH. De juillet 2015 à juin 2016, l'entreprise de télécoms a participé au processus d'expansion de la LNH, mais elle n'était pas assurée d'avoir une équipe (et elle n'en a pas eu).

Les lois sur les valeurs mobilières exigent que les entreprises inscrites en Bourse comme Québecor donnent les détails sur leur couverture de risques sur les devises en vertu du règlement 51-102. « Il y a une obligation de divulgation des instruments financiers et vous devriez expliquer pourquoi vous le faites », dit le professeur Stéphane Rousseau.

Québecor a indiqué n'avoir « aucun commentaire à formuler » quand on lui a demandé si l'entreprise s'était protégée des fluctuations du taux de change dans le dossier de l'acquisition d'une équipe de la LNH. Lors d'une entrevue le mois dernier, le président du conseil d'administration de Québecor, Brian Mulroney, indiquait que la question relevait des « affaires internes » de Québecor. 

La LNH a cité trois raisons pour lesquelles elle n'a pas accordé une équipe d'expansion à Québec : la valeur et les fluctuations du dollar canadien, l'équilibre géographique de la LNH et sa réticence à accorder deux équipes d'expansion en raison du nombre de joueurs qui seraient perdus par les équipes actuelles.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Le centre Vidéotron à Québec.