Selon l'ancien président du conseil d'administration de Québecor Média Serge Gouin, l'entreprise n'a utilisé aucune stratégie liée à des paradis fiscaux à l'époque où Pierre Karl Péladeau et lui en étaient les principales têtes dirigeantes.

Serge Gouin est catégorique. « Québecor Média et Québecor n'ont rien fait dans des paradis fiscaux », dit-il en entrevue à La Presse.

Le mois dernier, Radio-Canada a indiqué avoir trouvé six sociétés dans des paradis fiscaux « qui semblent avoir un lien » avec Québecor Média ou Vidéotron. De ce nombre, Québecor indique avoir dissous deux sociétés dont elle a hérité à l'achat de Vidéotron sans en avoir tiré de bénéfices fiscaux, et le droit de faire des affaires à la Barbade (une troisième « société ») n'était plus actif à son arrivée comme propriétaire de Vidéotron.

Au moins trois de ces six sociétés qui, selon Radio-Canada, « semblent avoir un lien » avec Québecor Média ou Vidéotron ont été créées à l'époque où Vidéotron était détenue par la famille Chagnon, a constaté La Presse. La famille Chagnon n'a pas souhaité commenter le dossier de la stratégie fiscale de Vidéotron à cette époque, dirigeant nos questions vers Québecor, qui a acheté Vidéotron en 2000.

Québecor dit ne pas avoir créé de sociétés dans des paradis fiscaux pour Québecor ou Québecor Média, et précise avoir hérité de « compagnies enregistrées dans de tels territoires » mais n'avoir « jamais bénéficié d'avantages fiscaux relativement [à ces compagnies] et les [avoir] toutes démantelées, sans exception, au fil du temps », dans un communiqué publié à la fin du mois de janvier.

« À ma connaissance, rien de ça a été utilisé [par Québecor Média]. Toutes les opérations de Québecor Média sont domestiques, il n'y a avait rien d'international, tu ne peux pas te servir de paradis fiscaux pour ça. », dit Serge Gouin, qui a présidé entre 2001 et 2013 le conseil d'administration de Québecor Média, qui comprenait notamment à l'époque le câblodistributeur Vidéotron, les journaux Sun/Journal de Montréal et d'autres actifs médias comme Nurun. Québecor est l'actionnaire de contrôle de Québecor Média depuis 2000.

Pendant que M. Gouin présidait le conseil d'administration de Québecor Média, Pierre Karl Péladeau en était le président et chef de la direction (sauf de 2004 à 2006 quand M. Gouin a cumulé les deux fonctions).

Aux dires de M. Gouin, ils n'ont jamais discuté ensemble de paradis fiscaux ou de stratégie fiscale internationale.

« On n'a jamais parlé de ça. Mais sur le plan financier, [Pierre Karl Péladeau] demandait à ce que ce soit géré très correctement. [...] Il était toujours straight, Pierre Karl, là-dessus. Il voulait que les choses soient faites correctement. » - Serge Gouin, ancien président du conseil d'administration de Québecor Média

M. Gouin a également souligné la rigueur du président du comité de vérification de Québecor Média, Jean La Couture (qui siège toujours au C.A. de Québecor).

Québecor a admis avoir utilisé de 2005 à 2014 une société à la Barbade (Intellia Barbados), utilisée par sa filiale Nurun pour acheter les actions d'une entreprise en Chine. Québecor avait indiqué « n'avoir tiré aucun avantage fiscal » de la création d'Intellia à la Barbade, notamment parce que cette dernière n'a jamais reçu ni versé de dividende. Québecor dit avoir créé Intellia Barbados « pour des fins strictement transactionnelles [...] compte tenu de l'imprévisibilité des contextes législatif et juridique chinois de l'époque ». Québecor a vendu Nurun en 2014.

PÉLADEAU « AURAIT DÛ ÊTRE PLUS CLAIR » SUR QUEBECOR WORLD

Serge Gouin admet toutefois que le chef du Parti québécois aurait « dû être plus clair » dès son entrée en politique sur l'existence de stratégies fiscales internationales chez l'imprimeur Quebecor World - une autre entreprise contrôlée à l'époque par Québecor - dans des pays reconnus pour leurs régimes fiscaux avantageux comme la Suisse et le Luxembourg.

« Il aurait dû être plus clair tout de suite : de dire qu'il y en a eu pour Quebecor World qui opérait à travers le monde, ils avaient déjà une structure avec World, que quand [il est] rentré dans Québecor Média, on n'en a pas fait, point. [...] Il a mal arrangé son affaire. Il aurait dû dire tout de suite oui [pour Quebecor World] », dit Serge Gouin, qui n'a jamais occupé de poste au conseil d'administration de Quebecor World.

Serge Gouin défend les pratiques fiscales - parfaitement légales - de Quebecor World, une entreprise dont Québecor a été actionnaire de contrôle jusqu'en 2008 et dont Pierre Karl Péladeau a été l'une des têtes dirigeantes durant les années en question.

« Pierre Karl, c'est sûr qu'il était là quand ils l'ont fait, mais que voulez-vous, c'était les pratiques du temps, dit-il. [...] [Quebecor World] avait un bureau au Luxembourg pour économiser de l'argent. [...] C'était typique des entreprises qui avaient des opérations à travers le monde. Ça marche encore aujourd'hui. [...] Si tu ne le fais pas, tu es nono. [...] Pourquoi tu irais payer 50 % d'impôt dans un pays quand tu peux payer 10 % dans l'autre ? C'est une façon de maximiser ton profit, c'est tout. »