Dell a cassé sa tirelire pour s'offrir pour 67 milliards de dollars son compatriote EMC, numéro un mondial du stockage de données, ce qui va lui permettre d'accélérer sa mutation dans un paysage de l'informatique bousculé par le mobile et le «cloud».

Cette fusion, la plus grosse de l'histoire du secteur des technologies selon le cabinet Dealogic, va en effet permettre au troisième fabricant mondial de PC d'achever sa mue d'un groupe tourné au départ vers les consommateurs à une entreprise dont la principale cible est désormais les grandes entreprises.

Fondé en 1984 par Michael Dell, le groupe texan souffre beaucoup du succès des téléphones intelligents et des tablettes, qui ont pris une place importante au sein des ménages, reléguant le PC en arrière-plan.

Grâce à EMC, Dell va muscler son offensive dans le stockage et la gestion des données pour les entreprises et pouvoir rivaliser avec les mastodontes IBM et autres HP et Cisco.

Il met en outre la main sur le joyau qu'est VMware, l'éditeur de logiciels de «virtualisation» (des machines virtuelles installées sur une machine physique) dont EMC détient 80 % du capital.

«Cette opération fait sens (...) et nous nous attendons à ce que se poursuive la consolidation entre grands acteurs, qui veulent pouvoir offrir une gamme complète de solutions de matériels informatiques», estime Sherri Scribner, analyste chez Deutsche Bank.

Rivaliser avec Amazon, Microsoft

Dell espère compenser et moins dépendre de la décroissance continue du marché des PC, dont les volumes ont décliné de 10,8 % au troisième trimestre selon le cabinet IDC (-7,7 % pour Gartner), d'autant qu'EMC lui donne la taille et la capacité nécessaires pour élargir son offre de «cloud computing» (informatique dématérialisée), un marché très lucratif.

Il serait ainsi à même de jouer à armes quasi égales face aux géants Microsoft, Amazon et Google, aux poches pleines et aux ambitions affichées.

Les entreprises achètent de moins en moins de serveurs de stockage jugés chers et préfèrent se tourner vers les services de cloud d'infrastructure offerts par Amazon Web Services (AWS), Microsoft, Salesforce ou encore Google à des tarifs très compétitifs.

Ce changement se lit d'ailleurs dans l'activité de stockage d'EMC, qui n'a progressé que de 1 % au deuxième trimestre contre une croissance à deux chiffres il y a moins de cinq ans.

Le groupe est en conséquence soumis à la pression du fonds activiste américain Elliott Management. Actionnaire d'EMC depuis l'an dernier avec quelque 2 % du capital, Elliott demandait notamment au groupe de stockage de donner son indépendance à VMware qui avait aussi été «marié» par les médias à Hewlett-Packard, Oracle ou encore Cisco avant que Dell n'emporte la mise.

Dell avait été racheté en 2013 par son fondateur Michael Dell associé au fonds de capital-investissement Silver Lake, pour 25 milliards de dollars et avait aussitôt été retiré de la Bourse.

«La combinaison de Dell et EMC va créer le groupe de technologie détenu par des intérêts privés le plus important au monde» dans un marché de la technologie de l'information évalué à 2000 milliards de dollars, s'est réjoui lundi le fabricant de PC.

Les termes financiers de l'opération prévoient que les actionnaires d'EMC reçoivent 24,05 dollars par action en numéraire. À ceci viendra s'ajouter une distribution de titres spéciaux liés aux 33 milliards de dollars que VMware, détenu à 80 % par EMC, vaut actuellement en Bourse. Cela porterait le prix d'achat total à 33,15 dollars par action, soit une prime de 19 % comparé au cours de clôture vendredi à Wall Street du titre EMC.

Le conseil d'administration d'EMC a approuvé l'opération et va recommander aux actionnaires d'accepter la proposition. Le fonds Elliott a indiqué lundi qu'il y était favorable.

L'éditeur VMware restera coté en bourse et Michael Dell sera par ailleurs le PDG de la nouvelle entité Dell-EMC.

Cette opération à 67 milliards de dollars, financée notamment par la dette, dépasse la scission à 49 milliards de dollars de PayPal par eBay ou encore le mariage à 37 milliards du fabricant de semi-conducteurs Avago Technologies et Broadcom, souligne Dealogic.