La Réserve fédérale (Fed) qui veut relever ses taux d'intérêt d'ici la fin de l'année - peut-être dès jeudi - va devenir la seule grande banque centrale à resserrer sa politique monétaire, à contre-courant de ses consoeurs encore à la lutte pour doper la croissance.

Depuis la crise financière, la banque centrale américaine a adopté une politique d'assouplissement financier maximum conjuguant des taux proches de zéro, en vigueur depuis fin 2008, à une série d'injections massives de liquidités pour favoriser la reprise.

Si elle décide d'une hausse, même très modeste, de ses taux directeurs, ce serait pour la Fed le premier tour de vis depuis près de dix ans lorsqu'en juin 2006 elle achevait un cycle de relèvement des taux afin de ralentir un marché immobilier en surchauffe. Celui-ci devait éclater deux ans plus tard avec la crise des prêts à risques «subprime».

À l'inverse, reflétant la grande divergence entre la croissance des États-Unis et celle plus morne du reste des pays riches, les grandes banques centrales font le mouvement opposé.

La Banque centrale européenne (BCE) a donné en mars le coup d'envoi de ses rachats de dette publique à raison de 60 milliards d'euros par mois pour un total de 1140 milliards d'ici septembre 2016. Et, vu la dégradation de l'inflation, elle s'est dite prête à prolonger cette expansion monétaire.

Quant à la Banque du Japon (BoJ), son dispositif d'assouplissement qualitatif et quantitatif (dit «QQE») dure depuis plus de deux ans et vise aujourd'hui à augmenter la base monétaire de près de 600 milliards d'euros par an.

Que la Fed décide immédiatement ou non de relever les taux, cette divergence de politique monétaire n'est pas sans risques, assure Charles Collyns, économiste en chef de l'Institut de la Finance Internationale (IIF).

«Cette divergence, ajoutée à celle observée entre la croissance des pays industrialisés et celle des marchés émergents, va générer volatilité et incertitude sur les marchés quelle que soit la décision du Comité monétaire de la Fed jeudi», précise cet expert.

Trois cycles d'injection monétaire

Aux États unis, il a fallu pas moins de trois phases de «quantitative easing» (QE) avant de voir il y a seulement un an la reprise économique donner confiance et autoriser la fin du stimulus monétaire. La croissance américaine devrait s'établir autour de 2,5% cette année.

La première vague de soutien monétaire a lieu de fin novembre 2008 à mars 2010, lorsque sortant de son rôle traditionnel, la Fed a commencé des rachats massifs d'actifs afin de fluidifier le crédit, diminuer le coût de l'emprunt et stimuler l'investissement.

Entre les titres adossés à des créances immobilières et les bons du Trésor, la Banque centrale va débourser quelque 1750 milliards de dollars au cours de ce «QE 1».

Face à la fragilité persistante de la première économie mondiale et à la crise en zone euro, l'institution devra se résoudre en novembre 2010 à lancer un «QE 2» et entamer un nouveau cycle d'injections de liquidités pour 600 milliards de dollars en bons du Trésor.

Ce nouveau cycle, qui s'achève en juin 2011, ne lève toutefois pas toutes les inquiétudes. À peine trois mois plus tard, en septembre 2011, la Fed décide de troquer ses obligations à court terme pour des titres à maturité plus longue, au cours d'une opération baptisée «Twist».

Un an plus tard, la banque centrale doit encore enclencher une troisième vague d'injections monétaires, le «QE 3». De septembre 2012 à décembre 2013, elle achètera ainsi mensuellement jusqu'à 85 milliards de dollars d'actifs.

Elle réduit progressivement la manne tout au long de 2014 jusqu'à stopper ces achats en octobre même si elle continue jusqu'à ce jour à réinvestir le produit de ces titres. Au total, cette 3e phase d'assouplissement monétaire exceptionnel a injecté quelque 1600 milliards de dollars dans le système financier.

Cette politique d'expansion monétaire, qui a duré plus de six ans, laisse la Fed avec 4.500 milliards de dollars d'actifs à son bilan contre 900 milliards avant la crise. Revenir à un niveau plus normal prendra jusqu'à la fin de la décennie, a averti sa présidente Janet Yellen.