Les actionnaires de Samsung, le conglomérat le plus puissant de Corée du Sud contrôlé par la famille Lee, ont approuvé vendredi la fusion de deux divisions destinée à renforcer l'emprise de l'héritier présomptif, Lee Jae-Yong, sur le fleuron du groupe, Samsung Electronics.

Cette victoire, précédée d'une bataille acrimonieuse devant les tribunaux, constitue un immense soulagement pour la famille fondatrice qui réorganise la constellation Samsung en prévision du retrait du patriarche Lee Kun-Hee, à la santé vacillante.

Au cours d'une assemblée convoquée en urgence vendredi, les actionnaires de Samsung C&T, filiale présente dans le commerce et la construction, ont donné leur feu vert à sa reprise par Cheil Industries (ex-Everland), la holding de fait du groupe, dont les activités vont de la mode aux parcs de loisirs.

Les titres des deux filiales ont terminé en forte baisse à la Bourse de Séoul. C&T a fini en repli de 10,4%, à 62 100 wons, Cheil de 7,7% à 179 000 wons.

Cheil offre 0,35 nouvelle action pour chaque action Samsung C&T, une transaction qui doit permettre à l'entité fusionnée de dégager des revenus de 60.000 milliards de wons (48 milliards d'euros) en 2020, un quasi doublement par rapport aux revenus pro forma de 2014.

«Étant donné la conjoncture mondiale difficile, la fusion est le seul moyen de garantir l'avenir de l'entreprise, laquelle optimisera les synergies et alimentera les moteurs de la croissance», avait plaidé avant le vote le patron de C&T, Choi Chi-Hun.

Les actionnaires de C&T se sont prononcés à 69,5% en faveur de la fusion, bien au-delà des 55,7% des suffrages requis.

«Le projet de fusion est approuvé», a ensuite solennellement annoncé M. Choi devant les actionnaires. «Nous ferons en sorte que le soutien des actionnaires soit récompensé», a-t-il plus tard déclaré à la presse.

Le fonds spéculatif américain Elliott Associates LP, troisième actionnaire de C&T avec une part de 7,1%, avait multiplié les recours judiciaires pour mettre ce projet en échec, estimant que le panier de la mariée n'était pas assez garni.

Opposé à une dilution de ses titres, il avait rallié à sa cause un certain nombre d'actionnaires minoritaires, mais a été systématiquement débouté par les tribunaux.

«Elliott est déçu du fait que le projet de reprise semble avoir été approuvé contre les aspirations de si nombreux actionnaires indépendants et étudie toutes les suites à donner» au plan judiciaire, a indiqué le porte-parole du fonds, Richard Barton, dans un communiqué.

Nouvelle culture d'entreprise

Petite société de commerce à sa création en 1938, Samsung est aujourd'hui un immense conglomérat dont les revenus équivalent à 20% du PIB de la Corée du Sud.

L'idée, pour la dynastie régnante, est de simplifier la pyramide Samsung constituée de 70 filiales et d'un empilement de participations croisées qui disperse capital et pouvoir. La fusion entre les deux divisions actionnaires de Samsung Electronics permet avant tout aux Lee de concentrer leurs participations dans le producteur de téléphones intelligents.

La famille Lee souhaite également optimiser la structure capitalistique du groupe afin de réduire le montant des droits de succession.

Sujet à des problèmes cardiaques, Kun-Hee doit passer la main à son seul fils, Lee Jae-Yong, représentant d'une nouvelle génération de dirigeants.

Au-delà, la fronde d'Elliott et de 3000 petits actionnaires ne pesant qu'un petit pour cent du capital est en soi une révolution en Corée du Sud où les grandes corporations familiales, les fameux «chaebol», sont habituées à manoeuvrer sans aucun égard pour l'actionnariat marginal.

Or les entreprises comme Samsung ou LG ont désormais des actionnaires étrangers dotés d'un sens aigu de leurs droits, et le choc des cultures est explosif.

«Nous avons assisté là à une transition dans la culture d'entreprise en Corée du Sud», affirme Hwang Sei-Woon, analyste au Korea Capital Market Institute. La campagne d'Elliott a «mis en lumière les problèmes profonds que pose la gouvernance des chaebol», selon lui.

«Il est important de souligner que comparé à d'autres chaebol, Samsung est très, très en avance» sur le plan de la gouvernance, nuance Charles Lee, directeur de recherche pour l'Asie du Nord à l'Asian Corporate Governance Association (ACGA) basée à Hong Kong.