Après avoir claqué la porte du régime public en janvier dernier, le médecin Vincent Demers inaugurera le 1er septembre un service inédit au Québec. Ses patients pourront recevoir des soins à domicile, pour un montant de base de 135$, en réservant une plage horaire une journée à l'avance sur son site sécurisé. Pour 31$, ils pourront choisir une téléconsultation par Skype, Facetime ou simplement au téléphone. Sa «clinique virtuelle» ne sera offerte qu'à Québec dans un premier temps, mais il espère convaincre des collègues de Montréal de se joindre au projet.

Médecin en CLSC à Montréal jusqu'à l'hiver dernier, responsable des soins aux plus défavorisés à la clinique-itinérance du CLSC des Faubourgs-Sanguinet, le Dr Demers avait annoncé avec fracas son désengagement de la Régie de l'assurance-maladie du Québec (RAMQ) dans les pages du Devoir, le 28 janvier dernier.

Il dénonçait ainsi «un système où règne le mépris», refusant les quotas alors annoncés par le ministre de la Santé, Gaétan Barrette. «La bureaucratie est le principal obstacle, explique-t-il en entrevue. La structure est immense, une pyramide de fonctionnaires sont là à scruter par-dessus l'épaule du médecin.»

Clients aisés et clientèle défavorisée

En quittant le public pour retourner à Québec, où il est né, le jeune médecin avait promis de rester fidèle à ses valeurs malgré son passage au privé. Il estime avoir tenu parole: parallèlement à son service payant de soins à domicile, il fera du bénévolat à la clinique SPOT (Santé pour tous), qui prodigue des soins aux plus démunis des quartiers pauvres de Québec.

«Mon service de soins à domicile, c'est prévisible, va surtout attirer des gens de la classe moyenne. Pour ceux qui n'en ont pas les moyens, j'offre mes services bénévoles dans une clinique. Si d'autres médecins se joignent à mon projet, eux aussi se joindront à une clinique de façon bénévole.»

Comme aux États-Unis

À l'exception de cet engagement social, le concept annoncé par le Dr Demers s'apparente à des services offerts aux États-Unis, où des applications comme Heal et Pager permettent de commander son médecin à domicile en moins de deux heures.

À Québec, les patients accéderont plutôt à un site internet affichant l'horaire du lendemain. Une visite de 30 minutes à domicile coûtera 62$, plus 73$ de déplacement. Toute personne supplémentaire au même endroit aura droit à une consultation de 20 minutes pour 42$. Le paiement se fera par carte de crédit. «C'est la moitié du prix habituellement pratiqué sur le marché, indique le médecin. C'est moins cher qu'un plombier.»

Pas pour l'argent

Le Dr Demers insiste, il n'a pas choisi cette voie pour l'argent. «Je gagnerai probablement moins que ce que j'aurais fait en restant avec la RAMQ.» Il offrira également des consultations à distance, par vidéo ou téléphone, pour 31$. Pour respecter le nouveau guide d'exercice édicté par le Collège des médecins du Québec en février dernier, ces téléconsultations ne se feront que pour des patients qu'il connaît et pour des «conditions bénignes», précise-t-il. Les soins à domicile, eux, seront ceux que toute clinique peut offrir, à l'exception notable des radiographies. «Je peux référer à des spécialistes, faire des prescriptions, orienter le patient.»

Zéro attente

Preuve que le médecin de Québec est un cas rare, il se dit d'entrée de jeu allergique aux retards... que ce soient les siens ou ceux des patients. «Au CLSC, j'étais à la minute près. J'ai utilisé Google Maps pour estimer la durée moyenne de déplacement; je me donne une possibilité de retard de 15 minutes.»

La formule qu'il a retenue, soit de ne pouvoir réserver que la veille, vise également à empêcher qu'une liste d'attente ne se forme dès les débuts. «Je veux éviter ça. Mon souhait est de rester accessible à ceux qui en ont besoin.»

Un «précurseur»

Détenteur d'un MBA de McGill et de HEC Montréal, graphiste et se définissant comme geek à ses heures, Vincent Demers a entièrement conçu le plan d'affaires, le design et la programmation de son site internet.

Comme l'exige le Collège des médecins, les données transmises par ses patients seront sécurisées et cryptées, les confirmations se feront par courriels automatiques et le paiement, par carte de crédit débitée après la visite.

«J'essaie d'être un précurseur là-dedans. Il y a une énorme perte de temps parce que l'informatisation des dossiers médicaux est si peu répandue.»