Le géant des télécommunications américain Verizon a mis la main sur AOL, un nom historique, mais qui a beaucoup perdu de son lustre s'ouvrant ainsi le marché des plates-formes numériques et des vidéos et, surtout, de la publicité en ligne.

Ce mariage, se chiffrant à 4,4 milliards de dollars, associe les réseaux dans lesquels a investi Verizon, aux contenus et au savoir-faire publicitaire d'AOL - avec pour motivation clé le développement de la vidéo sur l'internet mobile.

«Verizon a les tuyaux, AOL la capacité de monétiser les vidéos en streaming», a résumé Rebecca Lieb, chez Altimeter. «Cette alliance est de bon sens pour les deux acteurs, car la vidéo numérique continue à progresser et gagner des utilisateurs, alors que s'accélère la tendance» à se passer d'abonnement fixe au câble.

Le rapprochement des deux sociétés, qui devrait être effectif cet été, vise, selon Verizon, à exploiter un marché publicitaire estimé par le cabinet de recherche eMarketer à près de 600 milliards de dollars mondialement, avec une orientation «principalement» axée sur le mobile.

Cette opération met fin à cinq ans et demi d'indépendance pour AOL, qui sous la houlette de Tim Armstrong, ancien patron des ventes de Google aux États-Unis, est devenu un des groupes les plus novateurs dans la publicité numérique.

Alors qu'à son arrivée à la tête d'AOL personne ne donnait cher d'un groupe qui sortait de l'une des plus désastreuses fusions de l'Histoire  --avec Time Warner-- et restait identifié au premier âge de l'internet avec un modèle économique dépassé reposant encore largement sur des abonnements de connexion à un portail web, Tim Armstrong pouvait mardi vanter le chemin parcouru.

«Depuis cinq ans, nous avons redressé l'entreprise», a assuré Tim Armstrong mardi dans un entretien à la chaîne de télévision CNBC, «nous avons rendu AOL aussi grand qu'il peut l'être dans le paysage d'aujourd'hui».

«Mais si on regarde vers les cinq prochaines années, il va y avoir des réseaux massifs, à l'échelle mondiale, et il n'y a pas de meilleur partenaire pour nous permettre d'avancer que Verizon», a-t-il ajouté.

Le groupe de médias Time Warner avait acheté AOL pour 165 milliards de dollar en 2001, en pleine bulle internet, puis décidé de lui rendre son indépendance 8 ans plus tard. AOL était entré en Bourse en décembre 2009 avec une capitalisation boursière ayant fondu à 2,8 milliards.

Depuis, l'entreprise s'est engagée dans une stratégie d'expansion, avec notamment le rachat pour 315 millions de dollars du site internet d'informations Huffington Post en 2011. Elle chapeaute aussi TechCrunch, Endgadget, Makers ou le site aol.com, ses productions de vidéos en ligne indépendant des câblo-opérateurs (over-the-top video), ainsi que des technologies pour l'achat et la vente automatisées d'espaces publicitaires sur internet.

Elle s'est récemment renforcée dans la publicité vidéo en ligne à travers un partenariat avec le groupe français Publicis ou l'achat d'Adap.tv en 2013.

Rien qu'aux États-Unis, elle se place au quatrième rang des groupes internet, derrière Google, Yahoo et Facebook, avec 188,5 millions de visiteurs uniques en mars à dans l'internet fixe et mobile, selon Comscore.

Verizon met ainsi la main sur «une expertise et une technologie publicitaires, ainsi que des contenus, pour mettre oeuvre sa stratégie en trois piliers», estimaient les analystes de Barclays Capital. Selon eux l'opérateur cherche à se développer avec des contenus sur abonnement, des contenus financés par la publicité, ainsi qu'une hausse des abonnements téléphoniques 4G.

«Les insertions publicitaires couplées aux partenariats dans les contenus peuvent apporter ce qu'il faut à Verizon pour monétiser ses actifs à moyen et long terme», selon les analystes de Barclays Capital.

Pourtant le sort de la branche programmes et contenus d'AOL restait incertain.

Ainsi, le site d'informations Re/Code assurait mardi que AOL est déjà «en discussions avancées avec plusieurs parties pour externaliser le Huffington Post», qui serait valorisé à 1 milliard de dollars.

Plusieurs fonds d'investissement seraient intéressés, ainsi que le groupe de médias allemand Axel Springer, par une opération qui pourrait prendre la forme d'une cession ou d'une coentreprise.

La Bourse saluait l'opération: Verizon bondissait de 18,71% à 56,50 dollars vers 16h00 GMT, et AOl ne cédait que 0,52% à 49,54 dollars.