À la croisée du réseau social et du moteur de recherche, Pinterest, l'application qui permet d'«épingler» des photos sur ses centres d'intérêt, est en train de s'imposer comme l'un des poids lourds du web, selon les spécialistes qui voient en elle un futur géant du cybercommerce.

Préparer la décoration de son mariage, repérer sa future armoire ou trouver la maison de ses prochaines vacances? Les internautes peuvent trouver la réponse en sélectionnant les images glanées sur la plateforme.

Pinterest, sorte de pèle-mêle numérique né en 2010 en Californie dans la tête de Ben Silbermann, Evan Sharp et Paul Sciarra, refuse d'être considérée comme un réseau social.

«Les gens, surtout à l'étranger où nous ne sommes pas encore aussi connus qu'aux États-Unis, nous voient comme un réseau social, mais c'est inexact. Dans mon esprit, nous sommes plutôt un moteur de recherche», a expliqué à l'AFP Evan Sharp, de passage à Paris mercredi.

«C'est un espace personnel, il s'agit de sauvegarder des idées pour sa propre vie. La plupart des réseaux sociaux veulent que vous passiez un maximum de temps sur leurs applications, c'est en quelque sorte de là qu'ils tirent de la valeur. Nous sommes très différents, notre but est de (...) faire découvrir de nouvelles idées, mais aussi d'inciter à les accomplir dans la vraie vie», a-t-il résumé.

Bien moins fréquentée que Facebook, Twitter ou Instagram, Pinterest refuse de divulguer son nombre d'utilisateurs. Rien qu'aux États-Unis, la société Comscore les estimait en janvier à 75,8 millions, soit 37% de plus qu'un an plus tôt.

Une croissance qui lui vaut d'être surveillée comme le lait sur le feu par les analystes et les investisseurs.

Ainsi, le Wall Street Journal indiquait il y a quelques jours que le réseau social discutait d'une nouvelle levée de 500 millions de dollars, ce qui ferait grimper sa valorisation à quelque 11 milliards de dollars, contre 5 milliards de dollars en mai 2014.

L'objet de toutes ces attentions ? Un projet de bouton «acheter», selon des sites spécialisés comme Re/code, qui ferait basculer Pinterest dans le cybercommerce.

Comme dans un centre commercial

«Pinterest est particulier, car les gens viennent y découvrir des produits, comme dans un centre commercial. Si on va dans un centre commercial, c'est qu'on a l'idée d'acheter. Ce bouton, c'est une piste logique et pertinente», décrypte Matthias Berahya-Lazarus, expert distribution et patron de Bonial, société de catalogues numériques.

Pinterest est moins fréquenté que Facebook ou Twitter, mais moins éphémère, résume-t-il, en référence aux études sur la durée de vie d'une image épinglée sur Pinterest, qui serait bien supérieure à celle d'une publication sur Facebook ou Twitter.

Mais Pinterest ne veut pas aller trop vite. «Si nous le faisons (le bouton «acheter»), nous voudrions le faire très bien», explique Evan Sharp.

À ceux qui voient déjà Pinterest comme le futur concurrent d'Amazon, il répond que le colosse du cybercommerce mise «sur le prix et la vitesse». «Nous, c'est sur la découverte et l'utilité. Nous sommes très différents».

Du côté des marques, parfois perdues face à la multiplicité des réseaux sociaux pour faire de la publicité, on temporise.

«Aller sur Pinterest ou pas, c'est vraiment selon les objectifs, les clients (visés par) la marque et le budget associé», résume Safia Ouaissa, de l'agence de publicité We Are Social.

Toutefois, sans faire encore de pub sur ce site, un grand nombre de marques y épinglent déjà des photos de leurs produits pour attirer les clients.

La jeune entreprise, elle, ne veut pas que la publicité envahisse le site au détriment de la fluidité de navigation.

Pinterest, qui compte quelque 500 salariés et a des bureaux à Londres, Paris, Berlin, Tokyo et Sao Paulo, a néanmoins commencé à dégager des revenus l'année dernière en s'ouvrant un peu à la pub, sous la forme de contenus commandités par des annonceurs, à l'instar de Facebook ou Twitter.

«On a travaillé avec Target, Kraft Foods et d'autres très grandes marques aux États-Unis», explique Evan Sharp qui entend proposer un modèle alternatif aux campagnes classiques.