Tant à Ottawa que dans les capitales provinciales, on s'affaire ces jours-ci à la préparation de l'année financière 2015-2016, sauf à Victoria où le budget de la Colombie-Britannique, le troisième excédentaire d'affilée, a été présenté le 17 février.

Dans toutes les autres provinces et aussi dans la capitale fédérale, la partie ne sera pas aussi facile.

S'il est acquis que l'Alberta et Terre-Neuve-et-Labrador replongeront en déficit et que la Saskatchewan éprouvera bien des ennuis à ne pas les suivre, le Québec, l'Île-du-Prince-Édouard de même qu'Ottawa doivent retrousser leurs manches pour respecter leur engagement d'équilibrer les finances publiques au prochain exercice.

Pourtant, la croissance sera plus faible que celle anticipée au moment où cet objectif a été annoncé. Ainsi, Ottawa avait fondé son retour à l'équilibre sur une croissance réelle de 2,5% et nominale de 4,5%. Ces jours-ci, les prévisionnistes parlent plutôt de 2% et de 2,5%.

En décembre, Québec tablait pour sa part sur 1,9% et 3,9%. Avec le choc pétrolier, il faut plutôt miser sur 1,7% et 2,8%.

S'il faut en croire l'agence de notation de crédit Moody's toutefois, c'est l'Ontario qui serait devant la situation budgétaire la plus fâcheuse.

Dans une note transmise hier, l'agence s'inquiète moins d'un retour à l'équilibre projeté en 2017-2018 seulement que des efforts considérables encore à faire pour y parvenir. L'agence appelle ça pudiquement des «risques d'exécution».

Pour relancer la croissance, la province a choisi l'an dernier d'augmenter de 2,6% ses dépenses de programmes en 2014-2015. Cela signifie que l'Ontario devra les geler au cours des deux prochains exercices et même les diminuer légèrement en 2017-2018, à moins de rentrées fiscales imprévues (ou non annoncées).

En santé et en éducation, les dépenses ont augmenté en moyenne de plus de 3% depuis 2010. Plus l'Ontario tarde à faire ses choix difficiles mais nécessaires, plus l'exercice sera pénible, explique l'agence.

Moody's souligne que le Québec, bien moins touché par la récession que son voisin, s'est attaqué plus tôt qu'elle au contrôle de ses dépenses et à la revitalisation de ses infrastructures. L'agence juge quand même «ambitieuse» la limitation à 0,7% de la croissance des dépenses de programmes cette année puisqu'elle était de 3.3% en 2013-2014.

Néanmoins, le poids relatif de sa dette augmente beaucoup moins vite qu'en Ontario, d'autant que les contributions au Fonds des générations destiné à la rembourser sont incluses dans l'exercice budgétaire annuel.

Cohérente, l'agence accorde à l'Ontario sa note la plus faible de toutes les provinces, soit Aa2 avec perspective négative, contre Aa2, stable, pour le Québec et les quatre provinces atlantiques.

C'est toutefois la seule agence qui note mieux le Québec que l'Ontario. Les notes accordées par Standard&Poor's, DBRS et Fitch Rating à l'Ontario sont toutes plus élevées d'un cran que celles du Québec.

La raison est bien simple: si la dette ontarienne augmente vite, celle du Québec reste la plus lourde, et de loin. Sa dette nette représentait au 31 mars 50,5% de la taille de son économie (le produit intérieur brut nominal) contre 40,5% pour l'Ontario.

À noter que Moody's emploie plutôt le ratio de la dette sur les revenus fiscaux pour évaluer l'Ontario. Cela favorise le Québec, qui taxe davantage.

Le contrôle des dépenses de programmes représente un grand défi pour Québec. Qu'on soit d'accord ou non avec le discours martelé par le président du Conseil du trésor Martin Coiteux, un fait demeure: les dépenses ont tendance à augmenter plus vite que la taille de l'économie.

Une étude des exercices financiers depuis 1980-1981 réalisée par Pierre Cliche, de l'École nationale d'administration publique, fait ressortir que la croissance des dépenses a été plus grande que celle de l'économie presque tous les ans.

Malgré les efforts louables réalisés pour contrôler leur croissance, l'auteur note que Québec a tendance à sous-évaluer ses créances douteuses et les coûts de l'assurance médicaments.

Il ne dispose pas non plus de réserve digne de ce nom pour affronter les aléas d'une conjoncture défavorable aux revenus ou qui exige plus de dépenses.

Comme le recommandait l'an dernier le vérificateur général, il prône aussi la publication de la prévision quinquennale des dépenses faite par le Conseil du trésor. «Personne à l'extérieur de l'administration n'est en mesure de savoir quel écart existe entre les données publiées et le coût de reconduction des programmes, entre les besoins et leur financement, écrit-il. Les efforts réellement demandés aux ministères ne sont pas apparents.»

Dès lors, un débat vraiment éclairé et, si possible, dépouillé de l'arbitraire idéologique peut difficilement être tenu.