Les captations télévisuelles de ses spectacles et galas, revendues sur des chaînes tant canadiennes qu'australiennes, anglaises et américaines, font de Just for Laughs un important producteur, diffuseur et promoteur d'humour. Celles-ci génèrent «des millions», selon la direction. Mais cette production télévisuelle très enviable est loin d'avoir atteint son plein potentiel, aux yeux de Bruce Hills.

«Environ 250 humoristes viennent à Montréal chaque été lors de notre festival. Et on réalise, en une semaine, 40 heures de télé qu'on vend partout dans le monde, explique le chef de la direction de Just for Laughs. Cela dit, nous avons suffisamment de ce type de contenu! Il faut se diversifier et prendre avantage du talent des humoristes que nous côtoyons. Il faut penser à d'autres façons de travailler avec eux.»

Ainsi l'entreprise annonçait, il y a quelques semaines, un partenariat avec la maison de production canadienne Lone Eagle Entertainment pour la coproduction de contenus télévisuels non scénarisés. Just for Laughs souhaite ainsi imposer de nouveaux formats d'humour. Des jeux-questionnaires, des talk-shows, des émissions d'impro, des téléréalités...

«On aimerait produire une grande émission de plateau, par exemple, admet Bruce Hills. L'Angleterre en a de tellement bonnes, dont Mock the Week et QI, avec des humoristes très talentueux. C'est une façon brillante d'utiliser leurs forces.»

Offensive à Los Angeles

Just for Laughs pense également à des formats web. «On a le potentiel pour faire tout cela, surtout grâce à Lone Eagle, bien établie au Canada et qui vend des formats partout dans le monde, soutient Bruce Hills. Les productions non scénarisées constituent notre plus gros potentiel de croissance. Et ça pourra se concrétiser autant sur des écrans 70 pouces que 3 pouces!»

La semaine prochaine, Bruce Hills (et son vice-président à la programmation, Robbie Praw) fera part concrètement des visées de Just for Laughs à Los Angeles, où il se rend régulièrement depuis des années et où l'entreprise est représentée par l'United Talent Agency.

Il compte franchir les portes des Showtime, Crackle et Amazon, notamment. Si le marché américain est extrêmement difficile à percer et à intéresser, Just for Laughs n'arrive plus en inconnu à Hollywood. «Des gens d'Amazon viennent au festival à Montréal, affirme Bruce Hills. Et les humoristes nous font confiance. Ils recherchent toujours des occasions d'être exposés.»

«Just for Laughs a beaucoup de contacts à travers le monde, confirme l'humoriste et auteur Martin Petit, qui tente d'intéresser le marché américain à son émission Les pêcheurs. Bruce Hills croise les Louis C.K. et Jerry Seinfeld de ce monde. Il est connu des humoristes, car il travaille depuis tellement longtemps avec eux. Or, ce sont des gens difficiles d'accès, et les États-Unis sont le marché le plus compétitif du monde. Je vois Just for Laughs comme un facilitateur potentiel pour établir des contacts.»

«Grandir intelligemment»

Pourquoi avoir besoin de Lone Eagle alors? Car Just for Laughs voit le Canada comme première destination de vente de nouveaux contenus télévisés.

«On pourrait le faire seul, mais Lone Eagle, a l'expérience et nous, les clients, dit Bruce Hills. Pour développer et produire, j'engagerais de toute façon des spécialistes. On veut grandir intelligemment avec du contenu pertinent et puissant. Dans le passé, nous avons produit quelques émissions comme The Tournament, diffusées à CBC. Mais on veut en faire plus. On veut produire 12 mois sur 12, et non juste en juillet. Ce n'est pas tout le monde qui va embarquer avec nous. Ça pourrait prendre des années pour arriver à nos fins, mais le premier pas, c'est Lone Eagle.»

En attendant, Bruce Hills ne négligera donc pas ce qui fait la force de Just for Laughs, soit la programmation de ses festivals à Montréal, Toronto et Sydney, en Australie. Il s'évertue à faire croître leur importance d'année en année. «À Montréal, en 2014, on a eu notre meilleur été jusqu'à présent, avec une programmation de plus de 300 shows, affirme-t-il. On en prévoit plus de 330 cette année.»

De 2013 à 2014, l'assistance du festival Just for Laughs à Montréal est passée de 69 000 à 82 000 personnes, et les revenus tirés de la vente de billets ont crû de 35%.

Forces:

> Un festival connu mondialement vers lequel les monologuistes (stand-up), comédiens et animateurs internationaux convergent. Des festivals aussi à Toronto et à Sydney, en Australie. Un promoteur de choix pour des artistes d'ici et d'ailleurs qui se produisent jusqu'à Singapour et en Nouvelle-Zélande.

> Une plateforme estimée pour lancer des carrières. «Nous avons un excellent réseau de dépisteurs pour dénicher des gens talentueux partout dans le monde et nous assurer que le festival reste pertinent et impertinent, assure Bruce Hills. L'animateur Jimmy Fallon a déjà dit: «C'est un honneur d'être de retour à Montréal où j'ai commencé ma carrière. Je ne vous remercierai jamais assez.» »

Faiblesses:

> Les États-Unis. «Même si nous avons de bons liens avec l'industrie de l'humour et du divertissement américains, on n'a pas encore vraiment percé ce marché, avoue Bruce Hills. Nous aimerions être un incontournable là-bas, comme nous le sommes au Canada et dans de nombreux autres pays.

> La clientèle franco-québécoise. «Je sens que nous sommes invisibles pour une grande partie du Québec, admet Bruce Hills. Nous aimerions avoir plus de francophones qui apprécient le volet anglophone du festival Juste pour rire.»