Il n'est pas toujours facile de tracer une ligne entre une pratique d'affaire légitime et une pratique contraire à l'éthique. Surtout lorsqu'on fait affaire à l'étranger et qu'il faut jongler avec les invitations aux clients et les cadeaux.

«Il n'y a pas de réponse tranchée», affirment deux spécialistes de l'éthique, Michel Séguin, professeur à l'École des sciences de la gestion de l'UQAM, et Michel Magnan, professeur et titulaire de la Chaire de gouvernance d'entreprise Stephen Jarislowsky à l'Université Concordia, dans des entrevues séparées.

«Il y a une zone claire, il y a une zone grise et il y a une zone où il ne faut pas aller», déclare M. Magnan.

M. Séguin rappelle qu'il est légitime pour un fournisseur de tenter de démontrer que son produit est celui qui répond le mieux aux critères d'un appel d'offres ou aux besoins d'un client. Cela peut nécessiter un voyage à l'étranger pour une démonstration.

«Il est possible qu'on ait besoin de faire venir l'acheteur potentiel à l'usine pour lui montrer la chaîne de montage et montrer comment ça fonctionne», déclare-t-il.

Il ajoute qu'il est également courant de prévoir des billets en classe affaires, surtout s'il s'agit d'un très long vol et qu'il faut faire face à un sérieux décalage horaire. Il faut cependant s'assurer que le voyage ne serve pas de prétexte pour donner des avantages parallèles et qu'il ne vienne pas biaiser le processus de décision.

Le professeur donne l'exemple d'une entreprise qui ouvrirait une salle d'exposition aux îles Vierges, à proximité d'un club de golf, et qui n'organiserait pour ses clients qu'une journée de démonstration dans le cadre d'un séjour d'une semaine.

«Il faut faire attention à ce que la pratique d'affaires se justifie d'un point de vue d'information et ne soit pas perçue comme un cadeau ou un pot-de-vin», indique pour sa part M. Magnan.

M. Séguin souligne qu'idéalement, ce devrait être le client qui assume les frais d'un voyage chez un fournisseur potentiel. Le client devrait au moins se doter d'une politique claire en cas d'invitations, déclare M. Magnan.

C'est ainsi qu'il faudrait se poser des questions si tout un conseil municipal effectuait un voyage à l'étranger pour visiter des installations de transport en commun.

«Par contre, si un conseil municipal a une sous-commission des transports qui s'occupe du dossier et qui est au courant, ça peut se défendre», note M. Magnan.

La remise de cadeaux se retrouve parfois dans une zone grise. Dans plusieurs cultures, la remise de cadeaux symboliques est une marque de politesse.

«C'est l'ampleur des cadeaux qui peut commencer à poser problème», affirme M. Magnan.

Une bouteille de sirop d'érable, ça va. Une montre Rolex, que certains membres du Comité international olympique auraient reçue lors de visite de villes candidates, ça ne va vraiment pas.

«C'est le défi des entreprises québécoises qui font des affaires à l'international, déclare M. Magnan. Elles doivent connaître les règles d'affaires à l'étranger, les règles de politesse, mais elles ne doivent pas tomber dans le panneau. Elles doivent garder leur intégrité comme entreprises canadiennes, sujettes à un certain nombre de lois.»

La question des invitations aux clients est devenue d'actualité cette semaine lorsqu'un avocat coréen a contesté des voyages au Canada organisés par Bombardier Transport pour des élus et des fonctionnaires de la ville de Yongin.

Le porte-parole de Bombardier Transport, Marc Laforge, a toutefois affirmé que les trois voyages étaient inscrits dans un contrat de train léger pour la ville de Yongin.

«Il était prévu que les représentants du client viennent constater l'état d'avancement du projet, a soutenu M. Laforge. Au bout du compte, ce sont eux qui ont payé parce que ç'avait été prévu dans le prix du contrat.»