Jusqu'à l'automne, l'expansion canadienne a surpris par sa vigueur. Au point où la plupart des prévisionnistes ont augmenté de un ou deux dixièmes leur projection de croissance pour 2014 autour de 2,5%.

Depuis le début de l'année, ils réduisent en revanche leur pronostic sur l'expansion en 2015, tant plongent les prix de l'énergie et augmente le risque de déflation en Europe.

La Banque du Canada fera de même mercredi. Sa projection d'expansion de 2,4%, plausible en octobre, ne l'est plus. Elle était basée sur un cours stable du prix du West Texas Intermediate qui était alors de 82$US le baril. Son prix est maintenant tombé autour de 47$US.

Cela freine la croissance des provinces productrices d'or noir comme l'Alberta et Terre-Neuve-et-Labrador (T.-N.-L.). BMO Marchés des capitaux estime à 0,5% seulement la croissance albertaine alors qu'à T.-N-.L., il faut plutôt parler de récession.

Dans la rédaction de son scénario, la Banque ne fait pas de prévision sur le pétrole. Elle se contente de prendre le prix du moment qu'elle utilise pour la période de projection qui ira jusqu'à la fin de 2016. L'année 2017 ne sera incorporée qu'en avril à son scénario, quand seront connus les chiffres complets de 2014.

Déjà, dans le Rapport sur la politique monétaire (RPM) d'octobre, l'équipe du gouverneur Stephen Poloz avait relevé que, si les prix du brut continuaient de baisser, l'effet serait négatif pour le Canada, même si la consommation des ménages et les exportations manufacturières pouvaient s'en trouver stimulées à court terme.

Assez vite toutefois, les investissements dans le secteur énergétique diminueraient avec des effets négatifs pour les fournisseurs canadiens d'équipements ou de services aux entreprises.

Les 1000 licenciements annoncés dernièrement par Suncor confirment la justesse de cette analyse.

Parmi les autres risques, la Banque mentionnait une croissance mondiale encore décevante. Elle avait ramené sa prévision pour 2015 de 3,7% à 3,4%. La semaine dernière, la Banque mondiale a réduit la sienne de 3,4% à 3,0%. Attendons-nous à ce que les autorités monétaires canadiennes en fassent autant.

La banque centrale relevait aussi la possibilité que les dépenses des ménages soient plus fortes. Elle avait fixé à 1,3 point sur 2,4% leur contribution pour l'année en cours.

La chute des prix des exportations (induite par le pétrole) ralentit la croissance du revenu intérieur brut (RIB) réel, qui est une bonne estimation du pouvoir d'achat. En octobre, sa progression était projetée à 1,9%, soit un demi-point de moins que la croissance de l'économie.

Autrement dit, les Canadiens ne sentent plus l'effet de richesse qu'ils ont connu durant toute la décennie précédente au cours de laquelle les prix du pétrole et la valeur de leur monnaie se sont appréciés.

La baisse du brut qui s'est poursuivie depuis octobre amènera aussi sans doute la Banque à diminuer sa prévision de croissance du RIB réel. La consommation des ménages va s'attiédir, ce qui ne déplaira pas trop à la Banque, vu leur niveau très élevé d'endettement.

Tout cela pris en compte va avoir pour conséquence de retarder le moment où l'économie canadienne tournera à son plein potentiel. En octobre, la Banque estimait que cela surviendrait au deuxième semestre de l'an prochain. Parions qu'elle jugera que ce ne sera pas avant la fin de 2016, faute de pouvoir projeter plus loin.

En conséquence, elle jugera que les pressions inflationnistes qui se sont accrues durant l'été et l'automne vont diminuer, comme elle l'a suggéré déjà en octobre.

Le spectre de la déflation, dont on voit l'ombre déjà dans la zone euro et en Suisse, ne se profile pas chez nous pour autant. En novembre, la progression annuelle de l'indice des prix à la consommation (IPC) se situait à 2,0%, en baisse de quatre dixièmes par rapport à octobre.

Vendredi, on aura le chiffre de décembre qui sera forcément plus faible. La Banque regardera plutôt son indice de référence qui exclut les huit composantes les plus volatiles de l'IPC, dont l'essence. En novembre, cet indice se situait à 2,1%. Il sera intéressant de voir de combien il a diminué puisque la dépréciation du huard augmente petit à petit les prix des biens de consommation importés.

Quoi qu'il en soit, ce sera deux jours après la publication du RPM où l'on cherchera en vain le moindre indice sur la prochaine direction du taux directeur, fixé à 1% depuis septembre 2010.

Si certains spéculateurs parient sur une baisse, les prévisionnistes remettent à plus tard, fin 2015, voire début 2016, le moment où ils voient une prochaine hausse.