Les entreprises de télécommunications qui souhaitent être plus transparentes en divulguant les requêtes qu'elles ont reçues de la police et des services de renseignement pourraient ainsi dévoiler des «détails de fonctionnement confidentiels».

Selon une note de service secrète du ministère de la Sécurité publique, l'industrie devrait consulter tous les intervenants concernés avant de révéler ces informations - même s'il ne s'agit que de chiffres généraux, selon son auteure, Lynda Clairmont, sous-ministre adjointe principale pour la sécurité nationale et la cybersécurité.

Les recommandations de Mme Clairmont, qui ont été rendues publiques en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, étaient destinées au sous-ministre François Guimont, la veille de sa rencontre du 17 avril avec les directeurs de Telus. Les discussions allaient justement porter sur les données que l'entreprise pouvait dévoiler, ou non, à ses clients sur les activités de surveillance électronique.

Telus a lancé en septembre dernier, cinq mois plus tard, son «rapport sur la transparence», dans lequel l'entreprise disait avoir reçu plus de 103 000 demandes officielles de renseignement sur ses abonnés.

La majorité de ces demandes - près de 56 800 - étaient liées à des appels d'urgence, pour vérifier l'emplacement d'une personne ayant téléphoné au 9-1-1, par exemple. Un total de 40 900 autres requêtes visaient l'obtention de noms et d'adresses publiquement disponibles dans un annuaire.

Rogers avait publié un document semblable en juin, trois mois plus tôt que Telus, devenant la première entreprise de télécommunications canadienne à le faire. Le gouvernement et les policiers lui auraient transmis 175 000 requêtes sur les Canadiens.

Bell Canada ne s'est pas encore prêté à l'exercice.

La note du ministère de la Sécurité publique rend compte des tensions en coulisses entre le gouvernement et les entreprises de télécommunications, alors que les défenseurs de la vie privée et les libertariens se font de plus en plus insistants pour avoir des éclaircissements sur la transmission de leurs données personnelles.

Les internautes réclament plus de transparence depuis que l'informaticien Edward Snowden a révélé que l'Agence nationale de sécurité des États-Unis disposait d'une quantité impressionnante de données sur la vie personnelle des Américains. L'affaire avait aussi amené les Canadiens à se questionner sur les activités du Service canadien de renseignement de sécurité (SCRS).

Bien que le ministère de la Sécurité publique veuille respecter la vie privée des Canadiens, il doit aussi assurer leur sécurité, selon Mme Clairmont.

«Nous reconnaissons que la transparence est essentielle pour que les Canadiens et le Parlement aient confiance en nous. Nous devons nous assurer que ces deux objectifs soient atteints, mais nous devons aussi nous assurer que ces détails de fonctionnement confidentiels soient protégés», a-t-elle expliqué.

Le porte-parole de Rogers a précisé qu'il n'avait pas discuté avec le gouvernement avant de rendre public son rapport. Ni Telus ni le ministère de la Sécurité publique n'ont voulu commenter l'information.