Encore une fois, le comportement de l'économie canadienne a déjoué les pronostics, même les plus optimistes.

Et c'est avec un bel élan qu'elle aura amorcé l'automne. Au point où on doit se demander si elle n'a pas atteint déjà son plein potentiel, deux ans environ plus tôt que ce que prévoyait la Banque du Canada, encore le mois dernier.

De juillet à septembre, le rythme d'expansion réelle annualisé a atteint 2,8%, a indiqué hier Statistique Canada. La prévision moyenne des économistes fixait la croissance estivale à 2,1% tandis que le scénario de la Banque du Canada, jugé par eux optimiste, avait misé sur 2,3%.

En quatre trimestres, l'économie a gonflé de 2,6%.

Le commerce international a contribué à la croissance pour un quatrième trimestre d'affilée et une septième fois en deux ans.

L'apport des entreprises a été plus mitigé: moins de capital investi en immobilisations, mais une mise plus grande dans l'achat d'équipements, des camions lourds en particulier, et de matériel informatique. C'est néanmoins mieux qu'au cours des deux trimestres précédents.

Il s'agit d'éléments encourageants qui indiquent que les exportations et les investissements du secteur privé deviennent des acteurs significatifs de l'expansion, ce qui a tardé à venir au cours du présent cycle.

La contribution des ménages n'était pas en reste pour autant, mais cela s'est fait en bonne partie au détriment de leur épargne, qui est restée à 3,9%, son niveau le plus bas.

Par bonheur, la faiblesse des taux d'intérêt a réduit aussi le service de leur dette hypothécaire et autre. À hauteur de 6,8% de leur revenu disponible, il est à son niveau le plus faible à ce jour, même si le taux d'endettement se maintient quant à lui près de son sommet historique.

Le rythme d'expansion aurait été plus élevé encore, si les entreprises n'avaient pas choisi de réduire leurs stocks pour un troisième trimestre d'affilée. Le déstockage a retranché près d'un point à la croissance, mais il est annonciateur d'une production soutenue au cours des prochains trimestres.

À cette donnée s'ajoute la croissance réelle du PIB, mesuré par industrie en septembre, qui a atteint 0,4%, après le recul de 0,1% observé en août. Cela aura donné un bel élan à l'économie pour amorcer le dernier trimestre.

En septembre, on a observé une forte augmentation de la production en usines, des ventes des détaillants, du commerce de gros et des services financiers.

Pour le quatrième trimestre, une seule zone de gris affadit le tableau: la chute des prix du pétrole et des métaux de base va sans doute freiner la production et l'exploration minière et d'hydrocarbures.

En revanche, cela stimulera la production en usines, au Québec et en Ontario, ainsi que la consommation des ménages dont la facture d'essence (et souvent de chauffage) va diminuer. D'autant plus que le huard devrait faiblir aussi.

La chute des prix de l'énergie et des métaux de base va sans doute ralentir aussi la croissance de l'économie, mesurée en dollars courants. Pour les amateurs de gros chiffres, précisons que la valeur de la production annualisée au troisième trimestre était de 1 991 612 000 000 dollars, soit à un saut de puce de la barre des 2000 milliards.

Ce qu'on appelle aussi le PIB nominal a progressé de 4,7% en rythme annuel durant l'été. À pareille cadence, il n'est pas surprenant qu'Ottawa ait annoncé hier que son déficit n'était que de 700 millions après six mois du présent exercice, contre 10,3 milliards, pour la période correspondante, l'an dernier.

L'éclat de l'économie canadienne n'est pas celui d'un feu de paille.

Les révisions des comptes nationaux faites par Statistique Canada au début du mois ont montré que l'expansion avait été plus forte en 2011 et 2012 ainsi qu'au premier semestre que ce qu'on croyait jusque-là.

Avant ces révisions, la Banque du Canada estimait à de 0,5% à 1,5% le taux de capacités de production encore inutilisées.

Les chiffres publiés hier, qui s'ajoutent à ceux d'un faible taux de chômage de 6,5% et d'inflation plutôt élevé de 2,4% en octobre, font ressortir que notre économie est bien près de tourner à plein régime, si ce n'est déjà le cas.

On verra mercredi l'appréciation qu'en fait la Banque, bien décidée à ne pas relever son taux directeur, fixé à 1% depuis plus de quatre ans, avant la Réserve fédérale.

Ce qu'ils en pensent

«L'économie a un certain élan. Quatre des cinq derniers trimestres affichent une croissance annualisée supérieure à 2,5%. Mieux, l'augmentation des exportations nettes non énergétiques reflète peut-être une plus grande répartition de la robustesse des exportations. Elle signale aussi que la solidité de l'économie américaine stimule la demande pour d'autres produits canadiens.»

Charles St-Arnaud, Nomura Global Economics

«La croissance du PIB réel devrait baisser légèrement au quatrième trimestre [à environ 2% en rythme annualisé] pour accompagner le ralentissement attendu aux États-Unis dans le trimestre. Cependant, cela ne devrait pas empêcher le Canada d'afficher une croissance de 2,4% environ cette année.»

Krishen Rangasamy, Banque Nationale, Marchés financiers

«Le virage vers une croissance fondée sur les exportations vient à point et devrait se poursuivre, puisque le huard va tester son creux du présent cycle à cause de la chute des prix des biens de base.»

Benjamin Reitzes, BMO Marchés des capitaux