La mise à jour budgétaire présentée hier par le ministre fédéral des Finances Joe Oliver fait la preuve, pour ceux et celles qui en doutaient encore, que le pouvoir de taxation d'Ottawa est trop grand, compte tenu de ses responsabilités.

Elle montre surtout que la diminution du fardeau fiscal fédéral telle que façonnée par le gouvernement conservateur ne vise pas à libérer une partie de son champ de taxation pour aider les sept provinces en déficit à rééquilibrer leur budget.

Québec cherchera en vain une bouée.

De fait, l'allégement fiscal conservateur rend sciemment plus compliqué encore toute bonification ou refonte des paiements de transfert à laquelle pourrait songer un prochain gouvernement plus soucieux de la santé des finances publiques de toutes les composantes de la fédération canadienne.

Les diminutions d'impôt annoncées il y a quelques semaines par le premier ministre Stephen Harper, sur la foi de données préliminaires de la mise à jour dévoilée hier, vont avant tout profiter aux provinces où les écarts de revenus sont très élevés au sein d'un même ménage. C'est moins le cas au Québec, où ils sont plus faibles en général. En outre, les familles monoparentales y sont proportionnellement plus nombreuses.

En revanche, les salaires payés à un ouvrier qualifié dans l'industrie albertaine des sables bitumineux dépassent souvent les 150 000$ par année, ce qui rend le fractionnement très attrayant.

Le retour des surplus fédéraux découle en bonne partie de coupes sévères dans des services à la population, comme l'abolition de la livraison du courrier à domicile ou l'étranglement de Radio-Canada, devenu le diffuseur public le moins financé de l'Occident.

Il est aussi le résultat du plafonnement de l'enveloppe de la péréquation décrété en 2008.

Ce faisant, Ottawa refile aux sept provinces bénéficiaires de paiements de péréquation les risques associés à une croissance moins rapide de leur capacité fiscale nécessaire pour assurer la même qualité de services publics que dans les provinces le plus capables de taxer.

Ottawa ne reconnaît pas non plus les besoins propres à certaines provinces (les provinces atlantiques et le Québec surtout) liés au vieillissement plus rapide de leur population qui a pour effet de ballonner les coûts des services de santé. Cette situation ira en s'aggravant dès 2017-2018, avec le plafonnement lié à la croissance du produit intérieur brut nominal des paiements de transfert, un autre décret.

Si le gouvernement conservateur poursuit en outre sur sa lancée en augmentant le plafond annuel de dépôt dans un compte d'épargne libre d'impôt (CELI), alors il réduira davantage l'assiette fiscale des provinces, à moins qu'elles refusent cette fois-ci d'harmoniser cette mesure à leur propre fiscalité.

Les sommes qui s'accumulent dans les CELI augmentent de plusieurs milliards chaque année. Tous les revenus générés dans les CELI échappent au fisc. De moins en moins de recettes fiscales, donc tirées de l'imposition des revenus d'intérêt, de dividendes, de loyers ou de gains en capital.

Bref, non seulement Ottawa choisit de rapetisser son champ de taxation, mais aussi il impose son choix aux provinces.

Le premier ministre Harper est en route vers Melbourne, où se tient le sommet des pays du G20. À l'ordre du jour, trouver les moyens de relancer la croissance mondiale.

Les grands organismes comme le FMI ou l'OCDE ont revu dernièrement à la baisse leur scénario d'expansion de l'économie mondiale sur fond de difficultés dans les économies émergentes et de risque de rechute en décroissance dans la zone euro, qui n'a pas retrouvé le chemin de l'expansion depuis 2008.

On peut s'attendre à ce que M. Harper fasse la leçon à ses pairs, comme il l'avait déjà fait lors du sommet de Toronto, en 2010. Gageons qu'il se gardera bien toutefois de préciser le prix qu'auront à payer la plupart des provinces et leurs contribuables pour l'assainissement des finances publiques fédérales.